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L’exercice d’un mandat public ou d’une fonction judiciaire par un salarié soulève des questions complexes pour tout employeur. Entre les autorisations d’absence, le maintien de la rémunération et les garanties de réintégration, la gestion de ces situations requiert une connaissance précise des règles applicables. Ces absences, qui s’inscrivent dans le cadre plus général de la suspension du contrat de travail, ne sont pas une simple parenthèse dans la relation de travail : elles obéissent à un régime juridique strict destiné à concilier l’intérêt général et la bonne marche de l’entreprise. Notre cabinet vous accompagne pour sécuriser chaque étape et transformer une obligation légale en une gestion administrative maîtrisée.

Mandats sociaux (organismes emploi/formation, sécurité sociale, mutuelle/association)

La participation d’un salarié à la vie d’organismes d’intérêt général est encadrée par le Code du travail, qui prévoit des autorisations d’absence pour l’exercice de divers mandats sociaux. Qu’il s’agisse de siéger au conseil d’administration d’une caisse de Sécurité sociale, de participer à un jury d’examen ou de représenter une association, ces fonctions justifient une suspension temporaire du contrat de travail. Pour l’employeur, l’enjeu est de connaître les conditions de ces absences pour y répondre de manière appropriée, tout en s’assurant de la continuité de son activité.

Conditions d’autorisation d’absence

L’octroi d’une autorisation d’absence pour un mandat social est généralement un droit pour le salarié, à condition que certaines formalités soient respectées. Le salarié doit informer son employeur de sa volonté de s’absenter en respectant un délai de prévenance, qui varie selon le mandat (quinze jours pour un jury d’examen, trente jours pour un congé mutualiste de formation, par exemple). Cette demande doit être accompagnée d’un justificatif, comme une convocation officielle. L’employeur ne peut, en principe, refuser cette autorisation. Toutefois, la loi prévoit des exceptions. Un refus est possible s’il est démontré que l’absence du salarié aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise. Cette décision doit être motivée et, dans de nombreux cas, nécessite l’avis préalable du comité social et économique (CSE). De plus, des quotas légaux ou conventionnels peuvent limiter le nombre de salariés simultanément absents au titre de certains congés, comme le congé mutualiste de formation.

Maintien de la rémunération et garanties d’emploi

La question de la rémunération est centrale pour l’employeur. Le régime varie considérablement selon la nature du mandat. Pour certains mandats, comme la participation à un jury d’examen ou aux instances paritaires de l’emploi, l’employeur est tenu de maintenir intégralement le salaire. Il peut ensuite obtenir un remboursement partiel ou total des sommes versées auprès de l’organisme concerné ou de l’État. C’est également le cas pour les absences des administrateurs d’organismes de Sécurité sociale, dont la rémunération et les charges sociales sont remboursées à l’employeur. En revanche, d’autres congés, tel le congé mutualiste de formation, ne sont pas rémunérés par l’employeur. La perte de salaire peut alors être compensée par des indemnités versées par l’État ou la collectivité territoriale, comme pour le congé de représentation. Au-delà de l’aspect financier, ces mandats s’accompagnent de garanties solides pour le salarié. La durée de l’absence est souvent assimilée à une période de travail effectif pour le calcul des droits à l’ancienneté et aux congés payés. Plus important encore, les titulaires de ces mandats bénéficient d’une protection contre le licenciement. Le licenciement d’un administrateur de caisse de Sécurité sociale ou d’une mutuelle, par exemple, est soumis à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, une procédure qui protège le salarié contre toute mesure de rétorsion liée à son engagement.

Mandats politiques (parlementaire, local)

Lorsqu’un salarié s’engage en politique, que ce soit en tant que candidat ou élu, son contrat de travail est aménagé pour lui permettre d’exercer ses fonctions. Le législateur a prévu des dispositifs spécifiques pour les mandats parlementaires (député, sénateur) et les mandats locaux (conseiller municipal, départemental ou régional). Pour l’employeur, cela se traduit par la gestion de différents types d’absences, allant du congé ponctuel à la suspension complète du contrat de travail, avec des implications distinctes en matière de réintégration et de formation au retour du salarié.

Congé de candidature et durée des absences

Avant même d’être élu, un salarié candidat à une élection parlementaire (nationale ou européenne) ou locale (municipale, départementale, régionale) a le droit de s’absenter pour participer à sa campagne électorale. La durée de ce congé est de vingt jours ouvrables pour une élection nationale et de dix jours ouvrables pour les autres scrutins. Le salarié est libre de répartir ces jours à sa convenance, par demi-journées au minimum, à condition d’en informer l’employeur au moins vingt-quatre heures à l’avance. L’employeur ne peut s’opposer à cette demande. Ces absences ne sont pas rémunérées, mais le salarié peut demander à ce qu’elles soient imputées sur ses droits à congé payé annuel. Il est essentiel de noter que cette période est assimilée à du travail effectif pour la détermination des droits à congés payés et à l’ancienneté.

Régime de suspension complète ou ponctuelle du contrat

Une fois élu, le régime applicable dépend de la nature du mandat. Pour un mandat parlementaire (député ou sénateur), le salarié peut demander la suspension complète de son contrat de travail pour toute la durée de son mandat, à condition de justifier d’au moins un an d’ancienneté. Cette suspension prend effet quinze jours après notification à l’employeur. Pour les mandats locaux, le système est plus souple et repose sur un double mécanisme. D’une part, des autorisations d’absence pour participer aux séances plénières et aux réunions des commissions dont l’élu est membre. D’autre part, un crédit d’heures forfaitaire et trimestriel pour préparer ces réunions et administrer la collectivité. Le volume de ce crédit varie en fonction du mandat (maire, adjoint, conseiller) et de la taille de la collectivité. Ces absences ne sont pas rémunérées par l’employeur, mais la perte de revenu peut être compensée par la collectivité territoriale. L’employeur ne peut s’opposer à l’utilisation de ce crédit d’heures, qui ne doit pas dépasser la moitié de la durée légale du travail sur l’année.

Droits à la réintégration et à la formation

La fin d’un mandat politique ouvre des droits importants pour le salarié, que l’employeur doit anticiper. À l’issue d’un premier mandat parlementaire, le salarié doit retrouver son emploi précédent ou un emploi similaire avec une rémunération au moins équivalente. Il doit pour cela notifier son intention de reprendre son activité dans les deux mois suivant la fin de son mandat. En cas de réélection, ce droit à réintégration se transforme en une priorité de réembauche valable un an. Pour les élus locaux ayant suspendu leur contrat (maires de grandes villes, présidents d’exécutifs locaux), les règles sont similaires : un droit à réintégration est maintenu pendant deux mandats consécutifs avant de se transformer en priorité de réembauche. Dans tous les cas, le salarié qui réintègre l’entreprise bénéficie des avantages acquis par les salariés de sa catégorie pendant son absence. De plus, pour faciliter son retour, la loi prévoit un droit à un stage de remise à niveau et à une formation professionnelle, notamment pour s’adapter aux évolutions techniques de son poste.

Fonctions judiciaires (assistant des parties, assesseur tribunal, juré d’assises)

La participation d’un salarié au fonctionnement de l’institution judiciaire justifie également la suspension de son contrat de travail. Ces fonctions, qu’il s’agisse d’assister une partie devant le conseil de prud’hommes, de siéger comme assesseur dans un tribunal ou de remplir son devoir de citoyen en tant que juré d’assises, emportent des droits et des protections spécifiques. L’employeur doit en connaître la portée pour gérer ces absences sans s’exposer à des sanctions.

Statut et conditions d’exercice des fonctions

Le statut du salarié varie selon la fonction exercée. Le défenseur syndical, qui assiste ou représente les parties devant le conseil de prud’hommes, bénéficie d’autorisations d’absence dans la limite de dix heures par mois dans les entreprises d’au moins onze salariés. Ces heures sont rémunérées par l’employeur, qui est ensuite remboursé par l’État. De son côté, le salarié désigné comme assesseur auprès d’un tribunal judiciaire spécialisé en contentieux de la sécurité sociale doit se voir accorder par son employeur le temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Enfin, le salarié convoqué comme juré d’assises est face à une obligation légale à laquelle il ne peut se soustraire, sauf motif légitime. L’employeur ne peut donc refuser d’autoriser son absence, un tel refus pouvant être considéré comme une entrave au bon fonctionnement de la justice. Cette absence, bien que contrainte, n’est pas réglementée par un régime de suspension spécifique dans le Code du travail et relève du droit commun des absences autorisées.

Indemnisation et protection contre les discriminations

Sauf pour le défenseur syndical dont les heures sont maintenues par l’employeur, les absences pour fonctions judiciaires ne sont généralement pas rémunérées. Le salarié assesseur perçoit une indemnité pour perte de salaire, dont il doit fournir le justificatif établi par son employeur. Le juré d’assises a également droit à une indemnité journalière forfaitaire et à une indemnité supplémentaire pour compenser sa perte de revenus. Le point le plus important pour l’employeur réside dans la protection dont bénéficient ces salariés. Le défenseur syndical et l’assesseur jouissent d’un statut protecteur : leur licenciement est soumis à l’autorisation de l’inspecteur du travail. Quant au salarié juré d’assises, bien qu’il ne bénéficie pas de la procédure d’autorisation administrative, il est protégé contre toute mesure de rétorsion. En effet, comme le prévoit l’article L. 1132-3-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice de ses fonctions de juré. Un licenciement motivé par une telle absence serait donc jugé sans cause réelle et sérieuse, voire nul s’il est considéré comme discriminatoire, exposant l’entreprise à des sanctions financières importantes.

La gestion des absences pour mandats publics et judiciaires exige une vigilance constante et une application rigoureuse des textes. Pour sécuriser vos procédures, valider la nature d’une absence ou être conseillé sur la meilleure approche à adopter, notre cabinet se tient à votre disposition pour vous accompagner et défendre vos intérêts.

Sources

  • Code du travail
  • Code général des collectivités territoriales
  • Code de la sécurité sociale
  • Code de procédure pénale
  • Code de l’organisation judiciaire