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La suspension du contrat de travail d’un salarié, qu’elle soit due à un arrêt maladie, un congé parental ou une mise à pied, soulève de nombreuses questions pour l’employeur. Lorsque ce salarié est également un représentant du personnel, la situation se complexifie davantage, ajoutant une couche de protection et des obligations spécifiques. Gérer cette période demande une connaissance précise des règles pour sécuriser les décisions de l’entreprise et maintenir un dialogue social serein. Comprendre l’impact de ces absences sur les mandats est donc fondamental, une démarche que notre cabinet accompagne pour transformer une situation potentiellement risquée en une gestion maîtrisée et conforme. Pour toute analyse de votre situation, contacter un avocat expert en droit du travail pour vos questions sur la représentation du personnel est une étape de sécurisation essentielle.

Le maintien de l’appartenance à la collectivité de travail

Le principe fondamental qui gouverne la matière est simple en apparence : la suspension du contrat de travail n’entraîne pas sa rupture. Le lien juridique entre l’employeur et le salarié subsiste, même si les obligations principales, à savoir la fourniture d’une prestation de travail et le versement d’une rémunération, sont temporairement interrompues. Cette persistance du lien contractuel a une conséquence directe sur le statut du salarié au sein de l’entreprise : il continue de faire partie de la collectivité de travail.

Cette appartenance n’est pas purement théorique. Elle a des implications pratiques pour l’employeur, notamment dans le calcul des effectifs. En application des dispositions de l’article L. 1111-2 du Code du travail, les salariés dont le contrat est suspendu doivent être pris en compte pour déterminer les seuils de mise en place des institutions représentatives du personnel, comme le comité social et économique (CSE). La jurisprudence a confirmé cette position de manière constante, écartant toute distinction selon la durée de l’absence ou le maintien ou non d’une rémunération. Ainsi, un salarié en congé sabbatique ou en congé parental d’éducation de longue durée est toujours comptabilisé dans les effectifs de l’entreprise. L’employeur doit donc rester vigilant sur ce point, car une erreur de calcul pourrait vicier l’ensemble du processus électoral.

Conditions d’accès aux fonctions électives ou syndicales

Puisque le salarié absent appartient toujours à l’entreprise, il conserve logiquement ses droits civiques au sein de celle-ci. L’exercice du droit de vote et la possibilité de se présenter aux élections professionnelles sont donc directement liés à cette notion de maintien dans la collectivité de travail.

Le droit de vote : une prérogative maintenue

Pour être électeur aux élections du CSE, l’article L. 2314-18 du Code du travail exige que le salarié travaille dans l’entreprise depuis trois mois au moins. La jurisprudence interprète la condition de « travailler dans l’entreprise » non pas comme une exigence de présence physique et d’exécution effective d’une prestation, mais comme la preuve d’un lien juridique de subordination. Le contrat de travail étant simplement suspendu, ce lien perdure. Par conséquent, un salarié en arrêt maladie, en congé maternité ou même en congé sans solde conserve sa qualité d’électeur, à condition de remplir les autres conditions d’âge et d’ancienneté. L’employeur a l’obligation de l’inscrire sur les listes électorales et de lui permettre de voter.

L’éligibilité : une appartenance qui perdure

Les conditions pour être éligible sont plus strictes. L’article L. 2314-19 du Code du travail requiert, entre autres, une ancienneté d’un an dans l’entreprise. Sur ce point, la jurisprudence a connu une évolution notable. Si, par le passé, elle a pu exiger une présence effective pour garantir que le représentant soit apte à remplir sa mission, elle considère désormais que la suspension du contrat n’affecte pas, par principe, l’éligibilité. Un salarié en congé parental ou en arrêt maladie de longue durée peut donc se porter candidat. L’idée est que l’appartenance à l’entreprise et la connaissance de son fonctionnement ne disparaissent pas avec l’absence temporaire. La même logique s’applique à la désignation d’un délégué syndical, dont l’une des conditions est de travailler dans l’entreprise depuis au moins un an.

L’exercice des fonctions électives ou syndicales durant la suspension

Le principe général est que le mandat de représentant du personnel est distinct du contrat de travail. Sa suspension n’entraîne donc pas, en principe, la suspension du mandat. Le représentant continue d’exercer ses prérogatives, bien que les modalités pratiques puissent être affectées par son absence physique de l’entreprise.

Le principe de la continuité du mandat

La Cour de cassation a affirmé de manière constante que la suspension du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, n’affecte pas l’exercice du mandat. Cette règle a des conséquences importantes pour l’employeur, qui doit continuer à traiter avec le salarié en sa qualité de représentant et à respecter les obligations qui en découlent.

Les situations spécifiques de suspension

L’application de ce principe varie légèrement selon la nature de la suspension :

  • En cas de maladie : Le représentant du personnel en arrêt maladie peut continuer à exercer son mandat. Il peut notamment utiliser ses heures de délégation, à condition que son médecin traitant l’y autorise expressément. L’employeur ne peut s’y opposer, comme l’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt de chambre mixte du 21 mars 2014.
  • En cas de mise à pied (disciplinaire ou conservatoire) : La jurisprudence a évolué. Aujourd’hui, ni la mise à pied disciplinaire ni la mise à pied conservatoire ne suspendent le mandat. Le salarié conserve le droit d’accéder aux locaux de l’entreprise pour y exercer ses fonctions représentatives et d’utiliser ses heures de délégation. Pour l’employeur, cela signifie qu’une mesure conservatoire, souvent prélude à un licenciement, ne doit pas entraver la mission du représentant. Ces situations sont particulièrement sensibles, car elles peuvent aboutir à des procédures de licenciement des représentants du personnel qui sont soumises à un contrôle strict de l’inspection du travail.
  • En cas d’activité partielle : Le mandat continue de s’exercer normalement. Les représentants du personnel conservent leurs prérogatives, y compris le droit de circuler dans l’entreprise et d’utiliser leurs heures de délégation.
  • En cas de grève : L’exercice du droit de grève suspend le contrat de travail, mais le mandat représentatif est souvent exercé avec une intensité accrue durant cette période. Les représentants continuent de dialoguer avec la direction et de représenter les salariés grévistes.

Le droit aux heures de délégation

Sauf situation d’incompatibilité médicale avérée, le salarié dont le contrat est suspendu conserve son droit à utiliser son crédit d’heures de délégation pour des activités en lien avec son mandat. Ces heures doivent être rémunérées par l’employeur comme du temps de travail effectif, même si le contrat de travail est suspendu. L’employeur qui refuserait de les payer s’exposerait au délit d’entrave.

Les limites et particularités

Si la suspension du contrat de travail n’interrompt pas le mandat, elle ne modifie pas non plus ses contours, notamment sa durée. Il est essentiel pour un employeur de comprendre que la protection attachée au mandat a un début et une fin qui ne sont pas affectés par les périodes d’absence.

La suspension n’est pas une cause de « destitution »

Il est important de souligner que la suspension du contrat de travail ne peut jamais être invoquée comme un motif pour mettre fin à un mandat. L’absence du salarié, même prolongée, ne le « destitue » pas de ses fonctions. Seules les procédures prévues par la loi (fin de mandat, démission du mandat, etc.) peuvent y mettre un terme.

La non-prorogation de la durée du mandat

C’est une limite fondamentale : la suspension du contrat de travail ne prolonge ni la durée du mandat, ni la période de protection post-mandat. Un mandat de membre du CSE a une durée fixe. Si un salarié est en arrêt maladie pendant la dernière année de son mandat, celui-ci prendra fin à la date initialement prévue. De même, la protection de six mois accordée aux anciens élus court à compter de la date d’expiration du mandat, et non à partir de la date de reprise effective du travail par le salarié. La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 25 juin 1985 : le délai de protection n’est pas reporté. Cette règle protège l’entreprise d’une extension indéfinie des périodes de protection et offre une visibilité juridique claire.

La gestion des mandats représentatifs pendant la suspension du contrat de travail exige une approche rigoureuse et bien informée pour éviter les écueils juridiques, notamment le risque de délit d’entrave. Pour sécuriser vos procédures et obtenir un conseil stratégique adapté à votre situation, notre cabinet se tient à votre disposition.

Sources

  • Code du travail
  • Code de la sécurité sociale
  • Code de commerce
  • Code général des collectivités territoriales