Instrument de fidélisation et de motivation pour les salariés et l’encadrement, les stock-options sont également un outil de rémunération complexe pour l’entreprise. Leur mise en place et leur suivi exigent une parfaite maîtrise de leurs implications en droit social, droit des sociétés et fiscalité. La moindre erreur peut avoir des conséquences importantes, notamment suite à la rupture du contrat de travail. Pour un employeur, sécuriser chaque étape du processus, de l’attribution à la levée des options, est une démarche indispensable pour protéger les intérêts de l’entreprise et prévenir les contentieux. Dans ce contexte, l’assistance d’un avocat expert en droit des affaires est essentielle pour sécuriser les opérations et optimiser leur régime.
Définition et distinctions des stock-options
La notion de stock-options, ou options sur titres, recouvre des instruments financiers qui confèrent à leurs bénéficiaires le droit, mais non l’obligation, d’acheter (options d’achat) ou de souscrire (options de souscription) un nombre déterminé d’actions de l’entreprise à un prix fixé d’avance, appelé prix d’exercice. Ce droit peut être exercé pendant une période donnée. L’intérêt principal pour le bénéficiaire réside dans la plus-value potentielle, si la valeur de l’action augmente au-delà du prix d’exercice, ce qui explique leur succès. Les stock-options constituent l’un des principaux dispositifs d’actionnariat salarié en France, permettant d’associer les salariés et dirigeants à la création de valeur de l’entreprise sur le long terme. Il est important de les distinguer d’autres instruments, notamment les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE), qui disposent d’un régime juridique et fiscal propre, souvent privilégié par les startups, ou encore des attributions gratuites d’actions (AGA) qui ne requièrent aucun investissement financier de la part du collaborateur.
Cadre légal et entités éligibles
Le régime des stock-options est principalement encadré par le Code de commerce, aux articles L. 225-177 et suivants. Ce mécanisme est ouvert à toutes les sociétés par actions, qu’il s’agisse de sociétés anonymes (SA), de sociétés par actions simplifiées (SAS) ou de sociétés en commandite par actions (SCA). Il n’est pas nécessaire que la société soit cotée en bourse pour mettre en place un plan d’options. Toutefois, pour les sociétés non cotées, des difficultés pratiques peuvent survenir, notamment concernant la valorisation des titres et leur liquidité sur le marché secondaire, c’est-à-dire la facilité pour le bénéficiaire de les revendre après les avoir acquis.
Bénéficiaires des stock-options : salariés et mandataires sociaux
Les plans d’options peuvent être attribués aux membres du personnel salarié de l’entreprise ou à une partie d’entre eux. L’organe de direction (conseil d’administration ou directoire) dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour choisir les bénéficiaires, à condition de ne pas se fonder sur des critères discriminatoires. Il est cependant interdit d’attribuer des options à un salarié de la société qui détiendrait déjà plus de 10 % du capital social, bien que cette limite puisse être portée au tiers du capital dans des cas spécifiques de création ou de reprise d’entreprise. Outre les salariés, certains mandataires sociaux peuvent également bénéficier de stock-options. Il s’agit principalement des dirigeants ayant des fonctions exécutives, comme le président du conseil d’administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués ou les membres du directoire. Pour les sociétés dont les titres sont admis en bourse, l’attribution d’options aux mandataires sociaux est soumise à des conditions plus strictes, visant à assurer un partage de la valeur avec l’ensemble du personnel.
Procédure d’attribution et d’exercice des stock-options
La mise en place d’un système de stock-options suit une procédure rigoureuse. Elle débute par une décision de l’assemblée générale extraordinaire (AGE) des actionnaires, qui autorise le conseil d’administration (ou le directoire) à consentir les options. Cette autorisation, valable pour une durée maximale de 38 mois, fixe les grandes lignes du plan, notamment le prix de souscription ou ses modalités de calcul. C’est ensuite au conseil d’administration que revient la tâche de définir les conditions précises de l’attribution des stock-options, d’arrêter la liste des bénéficiaires et la quantité attribuée à chacun, puis de leur notifier leurs droits. Le bénéficiaire dispose alors d’un délai, fixé par l’AGE, pour « lever » ses options, c’est-à-dire pour effectuer son droit d’achat ou de souscription. Cette levée d’option est l’étape par laquelle le bénéficiaire devient actionnaire.
Le rôle des plans d’épargne salariale (PEE) dans l’acquisition d’actions
Pour faciliter le financement de la levée d’option, qui peut représenter un investissement conséquent pour le bénéficiaire, la loi autorise l’utilisation des avoirs détenus sur un plan d’épargne d’entreprise (PEE). Comme le prévoit l’article L. 3332-25 du Code du travail, les sommes indisponibles sur un PEE peuvent être débloquées de manière anticipée pour acquérir les actions issues des stock-options. Les titres ainsi acquis doivent être versés sur le PEE, où ils seront soumis à un nouveau délai de portage de cinq ans. L’utilisation des avoirs disponibles sur un PEE pour lever des options s’intègre dans une stratégie globale de valorisation des mécanismes d’épargne salariale et des opérations d’augmentation de capital réservées. Cette articulation offre un avantage fiscal non négligeable : la plus-value de cession des titres, une fois devenus disponibles, est exonérée d’impôt sur le revenu, bien qu’elle reste soumise aux prélèvements sociaux.
Régime fiscal et social des stock-options
La fiscalité des stock-options a connu de nombreuses évolutions et dépend de la date d’attribution des options. Pour les plans attribués depuis le 28 septembre 2012, trois types d’avantages sont à distinguer. Le premier, le « rabais », consiste en la différence entre la valeur réelle de l’action au jour de l’attribution et le prix d’exercice si ce dernier est inférieur. Le deuxième, la « plus-value d’acquisition » (ou gain de levée), correspond à la différence entre la valeur de l’action au jour de la levée de l’option et le prix d’exercice. Enfin, la « plus-value de cession » est le gain réalisé lors de la revente des actions. Chacun de ces gains est soumis à un traitement fiscal spécifique (souvent via le prélèvement forfaitaire unique ou, dans certains cas, le barème progressif) et à un régime social particulier, qui a été alourdi ces dernières années, rendant ce modèle de rémunération variable moins attractif qu’auparavant.
Détail du régime social : cotisations et contributions
La plus-value d’acquisition est exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale classiques. Elle est en revanche soumise à la CSG et à la CRDS au titre des revenus d’activité. De plus, ce mode de rémunération est soumis à des contributions sociales spécifiques. Une contribution patronale à un taux de 30 % est due par l’employeur, comme le prévoit l’article L. 137-13 du Code de la sécurité sociale. Son assiette est calculée, au choix de l’entreprise, soit sur la juste valeur des options estimée comptablement, soit sur 25 % de la valeur des actions à la date d’attribution. Cette contribution est exigible le mois suivant la décision d’attribution. Par ailleurs, une contribution salariale de 10 % est due par le bénéficiaire sur la plus-value d’acquisition, prélevée au moment de la cession des titres. Il faut noter que la fraction du rabais qui excéderait 5 % de la valeur de l’action est, quant à elle, considérée comme un salaire et soumise aux cotisations sociales dès la levée de l’option.
Impact des ruptures de contrat de travail et clauses de présence
La question du sort des stock-options en cas de rupture du contrat de travail est l’une des plus complexes et des plus sources de contentieux. Pour fidéliser leurs talents et réduire le risque de départ, les entreprises insèrent fréquemment dans leurs plans des « clauses de présence », qui subordonnent le droit de lever les options à la présence du salarié dans l’entreprise à une date donnée. La validité et les effets de ces clauses, qui peuvent entraîner la perte des options suite à une rupture de contrat, dépendent étroitement des circonstances de la rupture (démission, licenciement pour faute, licenciement sans cause réelle et sérieuse, etc.), car ces options sont considérées comme une part variable de la rémunération globale.
Conditions de déblocage en cas de départ du salarié
En cas de démission ou de départ volontaire, le salarié perd généralement le bénéfice des options non encore levées si le plan d’attribution comporte une clause de présence. La jurisprudence applique strictement cette condition, considérant qu’elle fait partie de l’accord contractuel que le bénéficiaire a accepté. Le départ volontaire rend la condition de présence non réalisée, ce qui entraîne la caducité du droit d’option. La situation est identique en cas de départ à la retraite, pour la simple raison que la condition de présence n’est plus remplie. Il est donc primordial pour un salarié sur le départ d’examiner attentivement les termes du plan pour évaluer les conséquences de sa décision sur ses droits à options.
Jurisprudence sur la validité des clauses de présence et de conservation
La jurisprudence encadre strictement la validité de ces clauses. Si elles sont licites sur le principe, elles ne doivent pas constituer une sanction pécuniaire déguisée, interdite par le Code du travail. La notion de sanction pécuniaire est ici centrale. Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’une clause prévoyant la perte des options en cas de licenciement pour faute grave ou lourde est illicite car elle s’analyse en une sanction pécuniaire (Cass. soc., 21 oct. 2009, n° 08-42.026). En revanche, en cas de licenciement pour une cause réelle et sérieuse, la clause de présence s’applique et le salarié perd ses droits. La situation la plus débattue concerne le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, le salarié ne peut exiger de lever ses options. Cependant, une jurisprudence constante considère que la perte de cette faculté, du fait d’un licenciement injustifié, lui cause un préjudice qui doit être réparé par l’octroi de dommages et intérêts (Cass. soc., 29 sept. 2004, n° 02-46.332). L’évaluation de ce préjudice, qui correspond à une perte de chance, relève de l’appréciation souveraine des juges, qui doivent estimer le résultat qu’aurait pu obtenir le collaborateur. La validité de ces clauses est souvent examinée par les juges au regard des principes fondamentaux du droit du travail, tels que l’obligation de loyauté du salarié, qui doit être respectée.
Particularités des stock-options dans les sociétés non cotées
Pour les sociétés non cotées, le recours aux stock-options présente des défis spécifiques. Le premier enjeu est celui de la valorisation des actions. En l’absence de cours de bourse, le prix d’exercice et la valeur vénale des titres doivent être déterminés selon des méthodes objectives, comme le prévoit le Code de commerce, en tenant compte de la situation de l’entreprise, de sa rentabilité et de ses perspectives. Cette évaluation, souvent réalisée par un expert, est une étape délicate qui peut être source de discussions. Le second risque majeur est celui de la liquidité. Contrairement aux actions de sociétés cotées, les titres d’une société non cotée ne peuvent être facilement revendus. Pour que le mécanisme reste attractif, il est souvent nécessaire de prévoir, dans un pacte d’actionnaires par exemple, un mécanisme de liquidité organisant les conditions de rachat des actions par la société ou par les autres associés, notamment en cas de départ du bénéficiaire.
La mise en place et la gestion des plans de stock-options sont des opérations complexes qui mêlent droit social, droit des sociétés et fiscalité. Pour sécuriser les opérations, optimiser leur régime et anticiper les contentieux, il est indispensable de se faire accompagner pour suivre chaque étape. Notre cabinet vous accompagne dans l’élaboration et le suivi de vos dispositifs d’actionnariat salarié.
Sources
- Code de commerce : articles L. 225-177 à L. 225-186-1
- Code du travail : article L. 3332-25
- Code de la sécurité sociale : articles L. 136-2, L. 137-13, L. 137-14, L. 242-1
- Code général des impôts : article 80 bis