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La maternité est une étape de vie qui soulève de nombreuses questions pour l’entreprise. Entre les obligations de protection de la santé de la salariée et de son enfant, la gestion des absences et la préparation du retour de la salariée, la complexité du cadre juridique peut sembler décourageante. Loin d’être une simple contrainte, une gestion rigoureuse et humaine de la maternité en entreprise est un levier de fidélisation et un rempart contre les risques de contentieux. Cet article propose une vue d’ensemble des garanties et des protections qui encadrent cette période, afin de vous permettre d’anticiper vos obligations et de sécuriser vos procédures. Pour naviguer les complexités du droit du travail liées à ce sujet, l’assistance d’un avocat expert en droit du travail peut s’avérer précieuse.

I. Protection de la salariée enceinte avant le congé maternité

Le Code du travail met en place un statut protecteur dès que l’état de grossesse de la salariée est connu de l’entreprise, et même en amont, lors du processus de recrutement. L’objectif est de garantir que la maternité et le projet parental ne constituent pas un frein à la carrière professionnelle de la femme salariée.

A. Lutte contre la discrimination à l’embauche et pendant l’emploi

Une entreprise ne peut en aucun cas refuser d’embaucher une candidate en raison de sa grossesse. L’article L. 1225-1 du Code du travail est formel : il est interdit de prendre en considération l’état de grossesse pour refuser une embauche ou pour rompre une période d’essai. Une candidate n’a aucune obligation de révéler son état de grossesse lors d’un entretien. Ce droit au silence protège la salariée contre toute forme de discrimination, y compris si elle suit un parcours d’assistance médicale à la procréation. Une rupture de la période d’essai qui serait motivée par la grossesse, même de manière implicite, serait considérée comme nulle et exposerait l’entreprise à de lourdes sanctions.

B. Aménagements du poste et conditions de sécurité

Dès que l’état de grossesse est porté à sa connaissance, l’entreprise est tenue à une obligation de sécurité renforcée. La salariée enceinte occupant un poste de nuit peut demander son affectation sur un poste de jour, sans réduction de sa rémunération. Si un tel poste n’est pas disponible, le contrat de travail est suspendu et la salariée bénéficie d’une garantie de rémunération. De plus, la loi prévoit des autorisations d’absence pour que la femme enceinte puisse se rendre aux examens médicaux obligatoires liés à la surveillance de sa grossesse. Ces absences, qui s’étendent sous conditions au conjoint salarié (ou à la personne liée par un PACS ou vivant maritalement avec elle) pour trois de ces examens, sont rémunérées et assimilées à du temps de travail effectif.

C. Rupture du contrat avant le congé maternité

En dehors de la période d’essai, où la rupture ne peut être liée à la grossesse, la salariée bénéficie d’une protection contre le licenciement. Si la salariée souhaite quitter l’entreprise, elle dispose d’une faculté de démission assouplie. L’article L. 1225-34 du Code du travail l’autorise à rompre son contrat de travail sans préavis et sans devoir verser d’indemnité de rupture, à condition de justifier de son état par un certificat médical.

II. Le congé maternité et la suspension du contrat de travail

Le congé maternité constitue la période centrale de protection. Il entraîne la suspension du contrat, ce qui signifie que les obligations principales des deux parties, à savoir l’exécution d’un travail et le versement d’un salaire, sont temporairement interrompues.

A. Durée, types et bénéficiaires du congé maternité

La durée du congé maternité varie en fonction du nombre d’enfants attendus et du nombre d’enfants déjà à charge. Pour un premier ou un deuxième enfant, elle est de 16 semaines (6 semaines de congé prénatal avant la date présumée de l’accouchement et 10 semaines de congé postnatal). Sa durée est portée à 34 semaines pour des jumeaux et 46 pour des triplés. Un congé pathologique, attesté par certificat médical en lien avec l’état de santé de la mère, peut également allonger la durée de la suspension avant ou après l’accouchement. Depuis le 1er janvier 2024, une protection spécifique est accordée en cas de fausse couche tardive (entre 14 et 21 semaines d’aménorrhée), ouvrant droit à un arrêt de travail spécifique et une protection contre le licenciement. En cas d’hospitalisation de l’enfant au-delà de la sixième semaine après sa naissance, il est possible de reporter le reliquat du congé postnatal à la fin de cette hospitalisation.

B. Congés liés à la parentalité : paternité, adoption et parental d’éducation

Le cadre de la parentalité inclut également le congé de paternité et d’accueil de l’enfant, porté à 25 jours calendaires (32 en cas de naissances multiples), dont une partie est obligatoire pour le père ou le second parent. Le congé d’adoption est également prévu, avec une durée de 16 semaines. Ces congés, comme le congé parental d’éducation qui peut suivre le congé maternité, entraînent aussi une suspension du contrat. Le décès de la mère au cours de son congé ouvre le droit au père de suspendre son contrat pour une durée égale à celle restant à courir.

C. Indemnisation et maintien de salaire pendant le congé

Durant le congé maternité, la salariée perçoit des indemnités journalières de la part de la Sécurité sociale (CPAM), sous réserve de respecter certaines conditions. En fonction de la convention collective applicable ou d’un accord d’entreprise, l’employeur peut être tenu de compléter cette indemnisation pour assurer un maintien total ou partiel du salaire. Le montant de l’indemnité journalière est calculé sur la base des salaires des mois précédant l’arrêt. Le non-respect de cette obligation conventionnelle constitue un manquement justifiant une prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’entreprise.

D. Régime de la suspension du contrat et concours de congés

La période de suspension du contrat n’est pas une rupture. Le lien contractuel perdure, ce qui a des conséquences importantes, notamment sur le maintien de l’ancienneté pour certains droits. Une situation complexe peut survenir lorsqu’une salariée en congé parental d’éducation entame un nouveau congé maternité. La jurisprudence a clarifié que dans ce cas de « concours » de suspensions, c’est le régime le plus protecteur, celui de la maternité, qui s’applique pour déterminer les règles relatives à la fin du contrat.

III. Droits et protection de la salariée après le congé maternité

Le retour de la salariée dans l’entreprise est une étape clé, encadrée par des garanties visant à prévenir toute pénalisation de sa carrière et à faciliter sa réadaptation professionnelle.

A. Réintégration au poste de travail et évolution de carrière

À l’issue de son congé, la salariée doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Il s’agit d’une obligation de résultat pour l’entreprise. De plus, une disposition légale garantit une neutralisation des effets du congé sur l’évolution salariale. La salariée doit bénéficier des augmentations générales perçues pendant son absence, ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles accordées aux salariés de sa catégorie professionnelle. C’est le mécanisme dit du « rattrapage salarial ».

B. Aménagements des conditions de travail post-congé (allaitement, temps partiel, formation)

La salariée qui allaite son enfant dispose d’une réduction d’horaire d’une heure par jour durant son temps de travail pendant un an. À sa reprise du travail, elle a droit à un entretien professionnel avec son manager, distinct de l’entretien d’évaluation, consacré à ses perspectives d’évolution. La loi a également introduit de nouveaux dispositifs pour prévenir la désinsertion professionnelle, comme le « rendez-vous de liaison », qui peut être organisé pendant l’arrêt pour préparer le retour et la reprise d’activité. Une visite de reprise auprès du médecin du travail doit être organisée par l’entreprise au plus tard dans les 8 jours suivant la reprise effective.

C. Rupture du contrat de travail après le retour

La salariée bénéficie d’une protection contre le licenciement pendant les 10 semaines qui suivent la fin de son congé maternité. Durant cette période, il n’est possible de rompre le contrat qu’en cas de faute grave non liée à l’état de grossesse ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maternité. Une rupture conventionnelle reste possible, mais sa validité est subordonnée à l’absence de tout lien avec la maternité et à un consentement libre et éclairé. La salariée peut également démissionner pour élever son enfant en bénéficiant de conditions de préavis assouplies.

IV. Lutte contre la discrimination liée à la maternité et voies de recours

Toute décision de l’entreprise qui serait fondée sur la grossesse ou la maternité est une discrimination, lourdement sanctionnée. La loi organise des mécanismes pour la prouver et la contester.

A. Formes de discrimination et mécanismes de preuve

La discrimination peut être directe (une décision explicitement fondée sur la maternité) ou indirecte (une mesure neutre en apparence qui désavantage particulièrement les femmes enceintes ou jeunes mères). La jurisprudence reconnaît aussi la discrimination « intersectionnelle », où la maternité se combine à un autre critère (origine, âge). En cas de litige, la charge de la preuve est aménagée : la salariée doit présenter des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, et il revient à l’entreprise de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

B. Contestation des décisions de l’employeur et nullité du licenciement

Tout licenciement prononcé en violation des règles protectrices de la maternité est nul. La nullité a pour effet d’anéantir la rupture : la salariée peut demander sa réintégration dans l’entreprise. Si elle ne le souhaite pas ou si la réintégration est impossible, elle a droit à des indemnités spécifiques. Il en est de même pour une inaptitude qui serait contestée et dont l’origine serait liée à une dégradation des conditions de travail fautive de l’entreprise.

C. Conséquences des manquements de l’employeur et indemnisation

En cas de licenciement jugé nul, la salariée qui ne demande pas sa réintégration a droit, en plus des indemnités de rupture classiques, à une indemnité réparant l’intégralité de son préjudice, qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. Elle a également droit au paiement des salaires qu’elle aurait perçus entre son licenciement et la décision du juge, une période qui peut parfois durer plusieurs années.

D. Prévention des discriminations et rôle des acteurs

Plusieurs acteurs peuvent être mobilisés pour prévenir et lutter contre ces discriminations en faveur de l’égalité. Le Défenseur des droits peut être saisi et émettre des recommandations. Les organisations syndicales peuvent engager des actions en justice, y compris l’action de groupe. Au sein de l’entreprise, le comité social et économique (CSE) a un rôle d’alerte. La meilleure prévention reste cependant une politique RH claire et une information rigoureuse du management sur ces sujets.

La gestion de la maternité au travail est un parcours jalonné d’obligations précises pour l’entreprise. Chaque étape, de l’embauche au retour de congé de l’enfant, doit être maîtrisée pour garantir le respect des garanties de la salariée et protéger l’entreprise. Si vous faites face à une situation de discrimination ou à un litige concernant ces droits, l’accompagnement par un avocat expert en droit du travail peut s’avérer déterminant pour défendre vos intérêts.

Foire aux questions

Quelle est la durée de la protection contre le licenciement liée à la maternité ?

La protection est absolue pendant l’intégralité du congé maternité, ainsi que pendant les congés payés pris immédiatement après. Elle se prolonge ensuite durant une période de protection relative de 10 semaines après la fin du congé. Durant ces périodes, un licenciement n’est possible que pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maternité de l’enfant.

Un employeur peut-il refuser une promotion à une salariée parce qu’elle est enceinte ?

Non. Refuser une promotion ou écarter une salariée d’une évolution de carrière en raison de sa grossesse ou de son futur congé maternité constitue une discrimination interdite par la loi. La salariée doit être traitée de la même manière que si elle n’était pas enceinte et son projet parental ne doit pas interférer.

L’employeur est-il obligé de maintenir l’intégralité du salaire pendant le congé maternité ?

Non, ce n’est pas une obligation issue de la loi. Le Code de la sécurité sociale prévoit le versement d’indemnités journalières par l’assurance maladie. Cependant, de nombreuses conventions collectives ou accords d’entreprise imposent de compléter cette indemnisation pour garantir un maintien total ou partiel de la rémunération nette que la salariée aurait perçue.

Quelles sont les obligations de l’employeur au retour du congé maternité ?

L’entreprise a l’obligation de réintégrer la salariée à son poste précédent ou à un poste similaire avec une rémunération au moins équivalente. Il doit également organiser un entretien professionnel et une visite de reprise du travail. Enfin, il doit garantir que sa rémunération est majorée des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant son absence.

En quoi consiste le « rattrapage salarial » post-maternité ?

Il s’agit d’un mécanisme qui garantit que la rémunération de la salariée, à son retour de congé maternité ou d’adoption, est majorée des augmentations générales (accordées à tous les salariés) ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés de sa catégorie professionnelle pendant la durée de son absence pour s’occuper de son enfant.

Une rupture conventionnelle peut-elle être signée pendant un congé maternité ?

Oui, mais cette pratique est risquée et surveillée. La validité d’une rupture conventionnelle signée pendant une période de protection est conditionnée à l’absence totale de fraude ou de vice du consentement. Il doit être absolument certain que la décision de rompre le contrat n’a aucun lien avec la grossesse ou la maternité et que le consentement est libre et éclairé.