Le portage salarial, mécanisme hybride par excellence, a longtemps navigué en eaux troubles concernant les droits à l’assurance chômage de ses salariés. Pour une entreprise, qu’elle soit société de portage ou cliente, comprendre la sécurisation de ce statut est essentiel pour gérer les fins de mission sans exposer l’entreprise à des risques juridiques. Ce dispositif, dont nous explorons les rouages dans notre guide juridique complet du portage salarial, a connu une évolution majeure, passant d’une zone d’incertitude à un cadre légalement défini. Maîtriser les conditions d’indemnisation des salariés portés est une démarche préventive qui garantit des transitions professionnelles sereines et conformes. Pour sécuriser vos procédures et anticiper les éventuels points de friction avec France Travail, l’accompagnement par un avocat expert s’avère stratégique.
Le portage salarial et l’accès à l’assurance chômage
La question de l’accès à l’assurance chômage pour les salariés portés a été au cœur des débats juridiques pendant de nombreuses années. La nature même du portage salarial, qui combine l’autonomie du travailleur indépendant et le statut protecteur du salariat, a créé un terrain fertile pour les contentieux, obligeant le législateur et les partenaires sociaux à clarifier et à sécuriser le dispositif.
Le statut du salarié porté : droit commun et spécificités
Le salarié porté est, sans ambiguïté, un salarié de l’entreprise de portage salarial. Il est lié à cette dernière par un contrat de travail, qui peut être à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). À ce titre, il relève du régime général de la sécurité sociale et cotise, comme tout salarié, à l’assurance chômage. C’est l’entreprise de portage, en sa qualité d’employeur, qui effectue les déclarations et verse les contributions correspondantes.
La principale spécificité réside dans la relation triangulaire : le salarié porté démarche lui-même ses clients et négocie les conditions de sa mission. L’entreprise de portage facture ensuite les honoraires à l’entreprise cliente et en reverse une partie au salarié sous forme de salaire. Cette autonomie a longtemps été le principal argument des organismes d’indemnisation pour contester l’existence d’un véritable lien de subordination, critère essentiel du contrat de travail.
Les enjeux de l’indemnisation et le contentieux historique
Pendant des années, les salariés portés se sont heurtés à des refus d’indemnisation de la part de Pôle emploi (anciennement les Assédic). L’administration remettait systématiquement en cause la réalité du lien de subordination avec la société de portage. Elle considérait que le salarié, en trouvant lui-même ses missions, se comportait davantage comme un travailleur indépendant et que le contrat de travail était potentiellement fictif. Ce positionnement générait une insécurité juridique considérable.
Pour l’entreprise de portage, ce contentieux représentait un risque majeur. Alors qu’elle s’acquittait de ses obligations en matière de cotisations sociales, la finalité même de ces contributions – la protection du salarié en cas de perte d’emploi – était remise en cause. Pour l’entreprise cliente, bien que n’étant pas l’employeur direct, l’incertitude juridique entourant la fin de mission de ses prestataires en portage pouvait compliquer la gestion de ses projets.
L’évolution de la sécurisation des droits au chômage
Face à l’essor du portage salarial et à la multiplication des litiges, une clarification s’imposait. L’évolution s’est faite par étapes, combinant l’intervention des partenaires sociaux, des circulaires administratives et, finalement, une consécration par la loi qui a mis un terme à l’essentiel des incertitudes.
Premières mesures et circulaires unedic (2011, 2013, 2014)
Consciente de la nécessité de s’adapter aux nouvelles formes d’emploi, l’Unédic a commencé à encadrer l’indemnisation des salariés portés au travers de plusieurs circulaires. Une première circulaire du 7 novembre 2011 a posé les premiers jalons en admettant le principe de l’indemnisation sous certaines conditions, notamment le respect d’un accord de branche. D’autres textes, en 2013 et 2014, sont venus affiner le dispositif, tentant de suivre les évolutions de la négociation collective et les décisions de justice. Ces mesures, bien que constituant une avancée, restaient fragiles car dépendantes d’un cadre conventionnel dont la stabilité juridique était elle-même précaire.
La consécration légale par l’ordonnance de 2015
Le tournant décisif a été l’ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015, qui a ancré le portage salarial dans le Code du travail aux articles L. 1254-1 et suivants. Cette intervention législative a doté le dispositif d’une base légale solide et incontestable. En définissant précisément les conditions de recours au portage, les obligations de chaque partie et les contours du contrat de travail, l’ordonnance a levé les ambiguïtés qui alimentaient le contentieux. Elle a officiellement reconnu la compatibilité entre l’autonomie du salarié porté dans sa prospection commerciale et l’existence d’un contrat de travail salarié avec l’entreprise de portage.
Présomption de salariat et règles d’appréciation par france travail
La conséquence directe de cette consécration légale est l’instauration d’une présomption de salariat. Dès lors que la relation de portage respecte scrupuleusement le cadre défini par le Code du travail, le contrat de travail est réputé valide. France Travail ne peut plus contester l’existence du lien de subordination sur des fondements généraux. Son contrôle se déplace : il ne porte plus sur la nature de la relation, mais sur la conformité de celle-ci avec les dispositions légales spécifiques au portage salarial (qualification du salarié, rémunération minimale, nature de la mission, etc.). La circulaire Unédic du 11 juin 2015 a acté ce changement de paradigme, en précisant que les attestations spécifiques autrefois demandées n’étaient plus nécessaires.
Conditions d’indemnisation des salariés portés
Avec ce cadre sécurisé, les salariés portés bénéficient de l’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) dans des conditions largement alignées sur le droit commun, bien que certaines spécificités liées à la discontinuité des missions doivent être prises en compte.
Appréciation des périodes d’activité et des salaires
Comme pour tout salarié, l’ouverture des droits et le calcul de l’allocation chômage reposent sur deux éléments clés : la durée d’affiliation et le salaire de référence. Pour un salarié porté, seules les périodes durant lesquelles il effectue une mission pour une entreprise cliente et perçoit une rémunération sont considérées comme des périodes d’affiliation. Les phases d’intermission, c’est-à-dire les périodes sans mission, ne sont pas rémunérées par l’entreprise de portage et n’ouvrent donc pas de droits à l’assurance chômage. Ces périodes d’inactivité, qui ne sont pas rémunérées, se rapprochent dans leurs effets d’une suspension du contrat de travail mais obéissent à un régime propre qui n’est pas interruptif du CDI. Le salaire de référence est calculé sur la base des rémunérations brutes perçues durant les périodes de mission comprises dans la période de référence légale (généralement les 24 derniers mois).
Cumul des rémunérations et des allocations chômage
Le dispositif de portage salarial est particulièrement adapté aux règles de cumul partiel entre allocations et revenus d’activité. Un allocataire peut accepter une mission en portage salarial et conserver une partie de ses allocations chômage. Les règles de droit commun s’appliquent : les revenus issus de l’activité de portage sont déclarés à France Travail, qui calcule ensuite un nouveau montant d’allocation pour le mois concerné. Ce mécanisme offre une flexibilité appréciable, permettant une reprise d’activité progressive tout en sécurisant financièrement le parcours du professionnel.
Cas spécifiques du contrat de sécurisation professionnelle (csp)
Un salarié porté en CDI dont le contrat est rompu pour motif économique (par exemple, en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise de portage salarial) est éligible au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP). Il bénéficie alors de l’Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP) et d’un accompagnement renforcé. S’il retrouve une mission en portage salarial durant son CSP, des règles spécifiques s’appliquent quant au versement d’une indemnité différentielle de reclassement si la nouvelle rémunération est inférieure à l’ancienne.
Faire valoir vos droits : l’accompagnement juridique
Bien que le cadre légal soit aujourd’hui stabilisé, des litiges peuvent encore survenir, notamment en cas de mauvaise application des textes par l’entreprise de portage ou d’une interprétation restrictive de France Travail. Pour une société de portage, sécuriser la rédaction de ses contrats de travail et de ses contrats commerciaux est la première étape. Pour une entreprise cliente, il est essentiel de s’assurer que son prestataire respecte ses obligations. En cas de fin de contrat, l’établissement correct de l’attestation employeur est un point de vigilance. Un conseil juridique avisé permet de s’assurer que les droits de chacun sont respectés et de défendre efficacement les intérêts de l’entreprise en cas de contestation.
Foire aux questions (faq)
Un salarié porté a-t-il les mêmes droits au chômage qu’un salarié classique ?
Oui, sur le principe. Le salarié porté est affilié au régime général d’assurance chômage et ses droits sont ouverts et calculés selon les mêmes règles (durée d’affiliation, salaire de référence). La principale différence réside dans la prise en compte des périodes d’activité : seules les périodes de mission rémunérées sont comptabilisées, à l’exclusion des périodes d’intermission.
L’entreprise de portage salarial doit-elle fournir une attestation spécifique à france travail ?
Non. Depuis la sécurisation du dispositif par l’ordonnance de 2015 et la circulaire Unédic qui a suivi, l’attestation spécifique qui était parfois exigée n’est plus nécessaire. L’entreprise de portage salarial doit fournir l’attestation employeur de droit commun, qui permet à France Travail de calculer les droits du salarié.
Comment sont calculées mes allocations chômage en portage salarial ?
Les allocations sont calculées sur la base des salaires bruts perçus pendant les périodes de mission effectives, au cours de la période de référence légale (les 24 derniers mois précédant la fin du dernier contrat de travail, en règle générale). Le montant journalier de l’allocation est ensuite déterminé en appliquant les formules de calcul de droit commun.
Que se passe-t-il si j’ai des périodes sans mission ?
Les périodes sans mission (intermissions) dans le cadre d’un CDI en portage salarial ne sont pas rémunérées. Par conséquent, elles ne sont pas prises en compte dans le calcul de la durée d’affiliation nécessaire pour ouvrir des droits à l’assurance chômage, ni dans le calcul du salaire de référence servant à déterminer le montant de l’allocation.
Puis-je cumuler une mission en portage salarial et mes allocations chômage ?
Oui, le cumul partiel est tout à fait possible. Si vous êtes indemnisé par France Travail, vous pouvez accepter une mission en portage salarial. Vous devrez déclarer les revenus perçus à France Travail, qui ajustera le montant de vos allocations pour le mois concerné, vous permettant de conserver une partie de votre indemnisation en complément de votre nouveau salaire.
La reconnaissance des droits au chômage pour les salariés portés illustre la capacité du droit du travail à s’adapter aux nouvelles formes d’emploi. Pour les entreprises, cette stabilisation est une garantie de sécurité juridique. Pour toute question relative à la mise en place ou à la gestion de contrats en portage salarial, notre cabinet est à votre disposition pour vous fournir un conseil stratégique.
Sources
- Ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial
- Code du travail, articles L. 1254-1 et suivants (Portage salarial)
- Convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017
- Circulaires Unédic relatives à l’indemnisation des salariés en portage salarial (notamment n° 2011-33, n° 2013-15 et n° 2015-10)