La saisie sur salaire, ou saisie des rémunérations, représente une procédure complexe, souvent source d’inquiétude et d’erreurs pour l’employeur et son service comptable. Confronté à une décision de justice visant l’un de ses salariés, le dirigeant ou chef d’entreprise doit jongler entre ses obligations de tiers saisi, le respect des droits du débiteur et la gestion administrative de la paie. Une réforme d’envergure, applicable à compter du 1er juillet 2025, vient transformer en profondeur cette procédure, transférant la gestion des dossiers du greffe des tribunaux aux commissaires de justice. Cet article a pour but de vous offrir une vue d’ensemble claire des mécanismes de calcul, du barème applicable et des protections garanties au salarié, afin de vous permettre d’anticiper ces changements. Pour sécuriser vos démarches, l’accompagnement par un avocat en droit du travail à Paris est souvent indispensable. Vous trouverez sur d’autres pages de ce site des analyses plus détaillées sur les composantes de la rémunération et l’impact de la suspension du contrat.
1. Cadre légal et principes fondamentaux de la saisie sur rémunérations
La saisie des rémunérations est une voie d’exécution spécifique qui permet à un créancier, muni d’un titre exécutoire, de recouvrer sa créance en prélevant une partie du salaire dû à son débiteur directement auprès de l’employeur. Cette procédure est strictement encadrée par le Code du travail (Code du trav.) et le Code des procédures civiles d’exécution, qui cherchent à équilibrer les droits du créancier et la nécessité de laisser au salarié des moyens de subsistance pour sa vie quotidienne.
1.1. La nature juridique de la saisie des rémunérations
Contrairement à la saisie-attribution de droit commun qui peut porter sur une créance bancaire, la saisie sur salaire suit une procédure dérogatoire. Jusqu’au 1er juillet 2025, elle est gérée par le greffe du tribunal judiciaire. Après cette date, une réforme majeure déjudiciarise la procédure en confiant sa mise en œuvre et sa gestion aux commissaires de justice. Ce changement au sein de l’administration judiciaire vise à simplifier et accélérer les démarches tout en maintenant un contrôle du juge de l’exécution en cas de contestation de la procédure.
1.2. Les créances concernées et les bénéficiaires
La notion de « rémunération » est entendue de manière large. Elle ne se limite pas au salaire de base mais englobe tous les accessoires comme les primes, les gratifications, les pourboires centralisés par l’employeur et les avantages en nature. Toutes les personnes percevant une rémunération en contrepartie d’un travail pour un ou plusieurs employeurs peuvent faire l’objet d’une telle saisie, que leur contrat soit à durée déterminée ou indéterminée. Une bonne formation sur le sujet est utile pour tout gestionnaire de paie.
2. Détermination de la part saisissable et les sommes insaisissables
Le calcul de la part de salaire qui peut être effectivement saisie répond à des règles précises définies dans le Code du trav. Il s’agit de déterminer une assiette de calcul du revenu saisissable avant d’appliquer un barème progressif, tout en garantissant au débiteur un minimum vital.
2.1. L’assiette de calcul de la saisie : inclusion et exclusion des sommes
L’assiette de calcul de la saisie est constituée de la rémunération nette annuelle du salarié, après déduction des cotisations et contributions sociales obligatoires (CSG, CRDS) ainsi que du prélèvement à la source. Cette assiette inclut non seulement le salaire net, mais aussi les accessoires et avantages en nature, dont le régime d’évaluation est un point clé pour déterminer la base saisissable. Sont en revanche exclues de cette base les sommes qui n’ont pas le caractère de salaire, comme les remboursements de frais professionnels (indemnité de repas, frais de transport) ou les allocations familiales. Il est aussi essentiel de distinguer les sommes issues de l’intéressement, qui peuvent être soumises à une procédure de saisie distincte comme la saisie-attribution sur le patrimoine du salarié.
2.2. La protection du débiteur : le montant insaisissable (RSA)
Quelle que soit la situation, la loi protège une partie du revenu en fixant un plancher insaisissable équivalent au montant forfaitaire du Revenu de Solidarité Active (RSA) pour un foyer composé d’une seule personne. Ce montant, fixé à 564,78 €, constitue la part du revenu que l’employeur doit impérativement laisser à la disposition du salarié. Ce concept, qui garantit un reste à vivre, s’inscrit dans le cadre plus large des salaires minimaux en France.
3. Le barème des fractions saisissables et cessibles : seuils et majorations 2025
Une fois l’assiette déterminée, un barème progressif par tranches de rémunération est appliqué pour calculer la quotité saisissable et cessible. Ce barème, souvent présenté sous forme mensuelle pour la paie, est revalorisé chaque 1er janvier pour tenir compte de l’inflation.
3.1. Les seuils annuels de saisissabilité actualisés en 2025
Le décret n° 2024-1231 du 30 décembre 2024 a fixé les tranches annuelles de rémunération nette sur lesquelles la saisie sur salaire s’applique progressivement, conformément à l’article R.3252-2 du Code du trav. :
- 1/20 sur la tranche inférieure ou égale à 4 440 € ;
- 1/10 sur la tranche supérieure à 4 440 € et inférieure ou égale à 8 660 € ;
- 1/5 sur la tranche supérieure à 8 660 € et inférieure ou égale à 12 890 € ;
- 1/4 sur la tranche supérieure à 12 890 € et inférieure ou égale à 17 090 € ;
- 1/3 sur la tranche supérieure à 17 090 € et inférieure ou égale à 21 300 € ;
- 2/3 sur la tranche supérieure à 21 300 € et inférieure ou égale à 25 600 € ;
- La totalité sur la tranche supérieure à 25 600 €.
3.2. L’impact des personnes à charge sur les seuils de saisie (montant 2025)
Les seuils de chaque tranche de rémunération sont augmentés d’un montant forfaitaire de 1 490 € par an et par personne à charge du débiteur. Sont considérés comme personne à charge le conjoint, partenaire de PACS ou concubin dont les ressources sont inférieures au RSA, ainsi que les enfants pour lesquels le salarié perçoit des prestations familiales ou verse une pension alimentaire, et les ascendants habitant avec lui ou recevant une pension alimentaire et dont la ressource est inférieure au montant forfaitaire du RSA.
3.3. Calcul pratique de la part cessible : exemples
Pour un salarié sans personne à charge avec une rémunération annuelle nette de 20 000 €, la saisie se calcule tranche par tranche. En revanche, si ce même salarié a deux personnes à charge, les seuils sont augmentés de 2 980 € (2 x 1 490 €), ce qui réduit mécaniquement le montant total saisissable chaque mois. En tant qu’employeur ou gestionnaire de paie, vous devez veiller à appliquer ces correctifs pour ne pas prélever une part de la rémunération supérieure à la quotité légale.
4. Les trois niveaux d’insaisissabilité de la rémunération : au-delà du RSA
La protection du salaire se décompose en trois niveaux distincts, qui définissent ce que les différents types de créanciers peuvent ou ne peuvent pas saisir. Cette distinction, détaillée dans le Code du trav., est fondamentale pour comprendre l’ordre de paiement.
4.1. La part absolument insaisissable (minimum vital)
Cette première portion correspond au montant du RSA pour une personne seule (564,78 €). Elle est intouchable, y compris par un créancier d’aliments. C’est le socle de protection ultime qui doit, en toute hypothèse, rester à la disposition du salarié.
4.2. La part relativement insaisissable (pour les créanciers d’aliments)
Cette part de la rémunération est celle qui peut être appréhendée uniquement par un créancier d’aliments. Ce créancier prioritaire peut engager une procédure de paiement direct de pension alimentaire pour obtenir le paiement du terme mensuel courant et des six derniers mois impayés sur l’intégralité de la rémunération, à l’exception de la part absolument insaisissable.
4.3. La part saisissable de droit commun
C’est la portion de la rémunération calculée selon le barème progressif, qui est ouverte à tous les autres créanciers. C’est sur cette quotité que s’imputent les dettes classiques (crédit à la consommation, loyers impayés, etc.) une fois la part du créancier alimentaire payée, le cas échéant.
5. La procédure de saisie sur salaire : rôle de l’employeur et des créanciers (Réforme 2025)
La réforme du 1er juillet 2025 modernise la procédure en la dématérialisant et en clarifiant le rôle de chaque acteur. Pour l’employeur, cela implique de nouveaux interlocuteurs et de nouvelles démarches en ligne.
5.1. Le rôle clé du commissaire de justice après le 1er juillet 2025
Le commissaire de justice devient l’acteur central de la procédure. Il est chargé de notifier l’acte de saisie à l’employeur, de recevoir les fonds et de les répartir entre les créanciers (fonction de commissaire de justice répartiteur). Toutes les saisies seront inscrites sur un registre numérique national géré par la Chambre nationale des commissaires de justice, ce qui permettra de centraliser l’information et de coordonner les actions de manière électronique.
5.2. Les obligations de l’employeur (tiers saisi)
Dès réception de la notification de l’acte de saisie, vous disposez d’un délai de 15 jours pour fournir au commissaire de justice, par courriel ou via la plateforme, des informations sur la situation du salarié (nature du contrat, rémunération). Chaque mois, le responsable de la paie doit calculer la part saisissable et la verser au commissaire de justice. Le non-respect de cette obligation vous expose, en tant que tiers saisi, à des sanctions, voire à être déclaré personnellement débiteur des retenues non opérées.
5.3. Le rôle du créancier et le titre exécutoire
Pour engager une saisie, le créancier doit toujours détenir un titre exécutoire (un jugement, un acte notarié…). La réforme de 2025 introduit une étape préalable : la signification d’un commandement de payer au débiteur. Cet acte, qui vaut mise en demeure, l’invite à régler sa dette ou à trouver un accord avant que le procès-verbal de saisie des rémunérations ne puisse être effectivement dressé par le commissaire de justice pour poursuivre la procédure.
6. La gestion des sommes insaisissables sur les comptes bancaires (SBI)
La protection du salaire ne s’arrête pas au versement par l’employeur. Des règles spécifiques s’appliquent lorsque la rémunération est créditée sur un compte bancaire qui fait lui-même l’objet d’une saisie-attribution ou d’un avis à tiers détenteur.
6.1. Le principe du Solde Bancaire Insaisissable (SBI)
Lors d’une saisie sur un compte bancaire par un créancier ou un comptable public, la loi impose à la banque de laisser à la disposition du titulaire une somme à caractère alimentaire égale au montant du RSA pour une personne seule. Ce « Solde Bancaire Insaisissable » (SBI) est une protection automatique, qui s’applique une seule fois par saisie, quel que soit le nombre de comptes détenus par le client.
6.2. Distinction avec les sommes d’origine insaisissable
Certaines sommes, de par leur nature, conservent leur caractère insaisissable même après avoir été versées sur un compte bancaire. C’est le cas des prestations familiales ou des allocations logement. Ces sommes peuvent être laissées à la disposition du débiteur en plus du SBI, sur présentation de justificatifs à la banque.
6.3. Procédure de déblocage et contestation
Le titulaire du compte doit informer sa banque de la nature insaisissable de certains fonds pour en obtenir la mise à disposition. En cas de litige avec la banque ou le créancier sur le montant des sommes qui doivent être débloquées, le débiteur peut saisir le juge de l’exécution pour trancher la contestation et l’affaire.
7. Pluralité de créanciers et ordre de paiement
Lorsqu’un même salarié fait l’objet de plusieurs saisies, des règles précises organisent la répartition des fonds entre les différents créanciers.
7.1. Le principe de concours entre créanciers
En principe, tous les créanciers dits « chirographaires » (ordinaires) sont placés sur un pied d’égalité. Les sommes prélevées sur la part cessible de la rémunération sont réparties entre eux « au marc le franc », c’est-à-dire proportionnellement au montant de leur créance respective.
7.2. Les créances prioritaires : pensions alimentaires et autres
Les créances de pension alimentaire bénéficient d’une priorité absolue. Elles sont payées avant toutes les autres. Après le paiement des créances alimentaires, le nouvel article L. 3252-8 du Code du trav. donne une priorité de paiement aux créances résiduelles les plus faibles, dans la limite d’un plafond de 500 €, afin d’apurer plus rapidement les petites dettes.
7.3. Modalités de répartition des fonds par le commissaire de justice
Avec la réforme, le commissaire de justice devient le répartiteur unique des fonds. Il établit un projet de répartition qu’il notifie aux créanciers. Ces derniers disposent d’un délai pour le contester avant que les fonds ne soient distribués. Cette centralisation vise à rendre la procédure de paiement plus transparente et efficace.
8. Suspension et mainlevée de la saisie des rémunérations
La procédure de saisie n’est pas figée ; elle peut être suspendue par certains événements ou prendre fin par une mainlevée lorsque la dette est éteinte.
8.1. Les causes de suspension de la saisie
La survenance d’une saisie administrative à tiers détenteur (SATD) par le Trésor public suspend la saisie sur salaire en cours, qui ne reprendra qu’une fois la dette fiscale apurée. De même, la procédure peut être interrompue par des événements liés à l’impact de la suspension du contrat de travail, comme la rupture de la relation contractuelle. Certaines situations, comme le congé maternité, entraînent une suspension des versements de salaire par l’employeur, ce qui affecte directement la continuité de la saisie.
8.2. Conditions et modalités de la mainlevée
La saisie prend fin par une « mainlevée ». Celle-ci peut être amiable, si elle résulte d’un accord avec le créancier, ou judiciaire, lorsque le juge constate l’extinction totale de la dette et du paiement. La notification de la mainlevée doit être envoyée à l’employeur par le commissaire de justice pour qu’il cesse les prélèvements sur la rémunération.
La procédure de saisie des rémunérations, et plus encore avec la réforme de 2025, exige de la part de l’employeur une grande vigilance et une connaissance précise de ses obligations. Pour sécuriser vos démarches, auditer vos pratiques ou vous assister en cas de difficulté, notre cabinet, avocat en droit du travail à Paris, se tient à votre disposition pour un accompagnement stratégique et personnalisé. N’hésitez pas à visiter notre page de contact pour toute demande d’information.
Foire aux questions
Quel est le montant insaisissable d’un salaire en 2025 ?
En toute situation, une somme équivalente au montant du Revenu de Solidarité Active (RSA) pour une personne seule doit être laissée au salarié. Ce montant, fixé à 564,78 € par l’article L. 3252-3 du Code du trav., constitue un minimum vital absolument insaisissable.
Qu’est-ce qui change pour l’employeur avec la réforme du 1er juillet 2025 ?
L’employeur n’adressera plus ses déclarations et les fonds saisis au greffe du tribunal, mais à un commissaire de justice. Les échanges seront dématérialisés via un registre numérique électronique, centralisant toutes les procédures de saisie sur rémunération. Toute la procédure est gérée via ce nouveau service en ligne.
Une prime exceptionnelle est-elle incluse dans le calcul de la saisie ?
Oui, les primes et gratifications, même exceptionnelles, sont considérées comme des accessoires de la rémunération. Elles doivent être intégrées dans l’assiette de calcul de la part saisissable pour le mois de leur versement.
Que doit faire l’employeur si le salarié quitte l’entreprise ?
L’employeur doit informer le commissaire de justice de la rupture du contrat de travail dans un délai de huit jours. Il effectue un dernier versement au prorata sur le solde de tout compte, en respectant toujours la part insaisissable de la rémunération. Vous trouverez sur cette page un formulaire type pour cette démarche.
Comment sont gérées plusieurs saisies pour un même salarié ?
Les créanciers de pension alimentaire sont payés en priorité absolue. Les autres créanciers viennent ensuite « en concours » : les sommes disponibles sont réparties entre eux proportionnellement au montant de leur créance par le commissaire de justice, agissant en tant que répartiteur.
Le solde bancaire insaisissable (SBI) s’ajoute-t-il au RSA laissé sur le salaire ?
Non, il s’agit de deux mécanismes de protection distincts. La part de la rémunération insaisissable (équivalente au RSA) est protégée avant le versement du salaire. Le SBI est une protection qui s’applique sur le compte bancaire lui-même en cas de saisie sur ce compte, comme un avis à tiers détenteur.