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La cession volontaire des rémunérations est un mécanisme juridique qui permet à un salarié de dédier une partie de son salaire au remboursement d’une dette. Pour l’employeur, cette démarche initiée par le salarié n’est pas neutre : elle engendre des obligations précises dont le non-respect peut engager sa responsabilité. Comprendre la procédure, ses effets et les limites applicables est donc essentiel pour sécuriser la gestion de la paie et maintenir une relation de travail sereine. Notre cabinet, expert en droit du travail, guide les entreprises dans la mise en œuvre de ces dispositifs complexes.

Définition et cadre légal de la cession volontaire des rémunérations

La cession des rémunérations est un acte par lequel un salarié, le cédant, autorise volontairement son créancier, le cessionnaire, à percevoir directement une fraction de sa rémunération auprès de son employeur. Cette démarche repose sur un formalisme strict destiné à protéger le salarié débiteur tout en organisant le remboursement de sa dette.

Qu’est-ce que la cession de rémunérations ?

La cession de rémunération est une déclaration par laquelle le salarié manifeste sa volonté de céder une portion de sa rémunération pour honorer une dette. Cet acte, qui relève du consentement du débiteur, se distingue par sa nature non coercitive. Le salarié décide de son plein gré d’affecter une partie de ses revenus au paiement d’une créance, qu’elle soit de nature civile ou commerciale. Cet acte formalise un accord entre le débiteur et son créancier, dont l’employeur devient ensuite l’exécutant matériel du paiement.

Distinction fondamentale avec la saisie sur salaire

Il est primordial de ne pas confondre la cession et la saisie des rémunérations. Alors que la cession est une démarche volontaire du salarié, elle se distingue fondamentalement de la saisie sur salaire, qui est une mesure d’exécution forcée. Cette dernière est initiée par un créancier sur la base d’un titre exécutoire, souvent après l’échec d’autres solutions et la signification d’un commandement de payer. La saisie est une procédure contraignante, qui s’impose à l’employeur et au salarié. La cession, quant à elle, part du consentement du débiteur, même si, une fois notifiée, elle crée des obligations de retenue et de paiement tout aussi fermes pour l’employeur.

La réforme 2025 : impact sur la cession et la saisie des rémunérations

Une réforme importante, issue de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, entrera en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025. Elle déjudiciarise la nouvelle procédure de saisie des rémunérations pour la confier aux commissaires de justice (anciennement huissiers de justice). Point essentiel pour les employeurs : cette réforme est applicable non seulement à la saisie, mais aussi aux cessions de rémunérations autorisées à compter de cette date. La procédure de cession, historiquement liée au greffe du tribunal, sera donc également gérée par les commissaires de justice, unifiant ainsi les interlocuteurs pour l’employeur en matière de prélèvement sur salaire. Cette nouvelle gestion impliquera un commissaire de justice répartiteur et l’inscription de chaque saisie sur un registre numérique national, centralisant toute information utile.

La procédure de cession des rémunérations : démarches et formalités

La mise en place d’une cession de rémunération suit un parcours balisé par le Code du travail, impliquant le salarié, son créancier, le greffe du tribunal (jusqu’à la réforme de juillet 2025) et, enfin, l’employeur.

Compétence territoriale et formalisme de la déclaration

Actuellement, la déclaration de cession doit être effectuée par le salarié en personne auprès du greffe du tribunal judiciaire du lieu où il demeure, comme le stipule l’article R. 3252-45 du Code du travail (art. R3252-45). Pour que sa déclaration soit recevable, le salarié doit se présenter muni de ses bulletins de paie et d’une pièce d’identité. Il doit aussi fournir une déclaration de son créancier (le cessionnaire) précisant le montant de la dette et les modalités de son règlement. Le greffe remet ou notifie ensuite une copie de cette déclaration au créancier.

Notification de la cession à l’employeur et ses effets juridiques

La procédure n’impacte l’employeur qu’à partir de sa notification. C’est à la demande du créancier que le greffier notifie la cession à l’employeur. Cet acte de notification est décisif : il rend la cession opposable aux tiers et oblige légalement l’employeur à procéder aux retenues sur la rémunération. Une cession qui n’est pas notifiée dans le délai d’un an est périmée. Une fois la notification reçue, l’employeur est tenu de verser directement au créancier la part cessible de la rémunération.

Rôle et responsabilités de l’employeur tiers saisi

Du point de vue de l’employeur, la réception de la notification d’une cession de rémunération marque le début de ses obligations. Il devient un acteur clé du dispositif. Il doit, dans un délai de quinze jours, fournir au greffe (ou au commissaire de justice compétent après la réforme) toute information sur la situation de droit existant avec le salarié (nature du contrat, etc.) et sur l’existence éventuelle d’autres saisies ou cessions en cours. Tout manquement à cette obligation déclarative ou toute fausse déclaration l’expose à une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros, sans préjudice de dommages-intérêts. Son obligation principale est ensuite de calculer chaque mois la retenue et de verser la somme correspondante au créancier. L’employeur, en tant que tiers, doit appliquer la cession en respectant scrupuleusement les barèmes légaux, une obligation qui le distingue des cas de retenues sur salaire qu’il peut initier pour d’autres motifs.

Détermination de la quotité cessible et nature des rémunérations concernées

Le législateur a encadré strictement la part de la rémunération qui peut être cédée afin de garantir au salarié un revenu minimum pour subvenir à ses besoins. La base de calcul et la nature des revenus pris en compte sont précisément définies.

Principes de calcul de la fraction cessible : barèmes et seuils

La fraction du salaire qui peut être cédée, appelée quotité cessible, est identique à la quotité saisissable. Le calcul s’effectue sur la rémunération nette annuelle, après déduction des cotisations sociales obligatoires et du prélèvement à la source. Une somme équivalente au montant du revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule est systématiquement laissée à la disposition du salarié : c’est la fraction absolument insaisissable. Au-delà, la rémunération est divisée en tranches, chacune affectée d’un taux de quotité cessible progressif. Le barème est révisé chaque année. À titre d’exemple, pour 2025, le décret n° 2024-1231 a fixé la proportion saisissable ou cessible à 1/20e pour la tranche de rémunération annuelle inférieure ou égale à 4 440 euros, 1/10e pour la tranche suivante, et ainsi de suite jusqu’à la totalité pour la tranche dépassant 25 600 euros par an.

Majoration pour personnes à charge et spécificités familiales

Les seuils de ces tranches de rémunération sont augmentés pour chaque personne considérée à la charge du débiteur, sur présentation de justificatifs. Sont notamment considérés comme personnes à charge le conjoint ou partenaire dont les ressources personnelles sont inférieures au RSA, tout enfant pour lequel le salarié perçoit des prestations familiales ou verse une pension alimentaire, et les ascendants vivant avec lui ou auxquels il verse une pension, sous conditions de ressources. Cette majoration, qui dépend du nombre de personnes à charge, a pour effet de protéger une part plus importante de la rémunération.

Quels types de rémunérations sont cessibles ou insaisissables ?

L’assiette de calcul de la quotité cessible ne se limite pas au salaire de base. Sont ainsi concernés le salaire brut, les majorations pour heures supplémentaires, les primes et gratifications, les pourboires, l’indemnité compensatrice de préavis ou de congés payés, et l’indemnité de non-concurrence. L’assiette de calcul inclut également les avantages en nature, dont l’évaluation et le régime juridique spécifiques déterminent leur intégration dans la quotité saisissable. En revanche, certaines sommes sont totalement incessibles et insaisissables, telles que les remboursements de frais professionnels, les prestations familiales (sauf exceptions), l’allocation aux adultes handicapés ou le revenu de solidarité active (RSA). D’autres sommes, comme les indemnités de licenciement, qui ont un caractère indemnitaire et non salarial, sont exclues de ce calcul et peuvent être appréhendées dans leur totalité par une autre voie d’exécution, la procédure de saisie-attribution.

Articulation de la cession avec d’autres procédures et concours de créanciers

La situation se complexifie lorsqu’un salarié débiteur fait face à plusieurs créanciers. L’employeur doit alors connaître les règles de priorité pour savoir à qui verser les sommes retenues.

Interaction avec la saisie sur salaire et autres créanciers

Si une saisie sur salaire est notifiée à l’employeur alors qu’une cession est déjà en cours, le créancier cessionnaire n’est pas écarté. L’article L. 3252-12 du Code du travail (art. L3252-12) prévoit qu’il vient en concours avec le créancier saisissant. Dans ce cas, l’employeur ne doit plus verser les fonds directement au créancier. Il doit les adresser au régisseur du greffe du tribunal (et au commissaire de justice répartiteur après la réforme de juillet 2025). C’est cette autorité qui se chargera de répartir les sommes entre les différents créanciers. La cession de rémunération s’articule avec d’autres mécanismes de recouvrement, comme la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) pour les créances du Trésor public, mais aussi avec la compensation des dettes que l’employeur pourrait avoir avec le salarié.

Fin de la cession : causes et conséquences juridiques

La cession de rémunération prend fin principalement lorsque la dette est intégralement remboursée. Le créancier doit alors en informer le greffe, qui notifiera la mainlevée à l’employeur. La cession est également interrompue en cas de rupture du contrat de travail. Dans cette situation, l’employeur doit cesser les versements et en informer le greffe dans un délai de huit jours. Il est important de noter que l’employeur n’a pas d’obligation légale d’aviser directement le créancier cessionnaire du départ de son salarié.

La gestion d’une cession de rémunération, bien qu’initiée par le salarié, impose à l’employeur une vigilance et une rigueur sans faille pour respecter ses obligations légales. Pour sécuriser la procédure et vous assurer de sa bonne application, l’assistance d’un avocat compétent en droit du travail est un atout stratégique. Notre cabinet se tient à votre disposition pour analyser votre situation et vous fournir un conseil adapté.

Sources

  • Code du travail, notamment les articles L. 3252-1 à L. 3252-13 et R. 3252-45 à R. 3252-49 (art. L3252-1 et s., art. R3252-45 et s.)
  • Code des procédures civiles d’exécution (art. L212-1 et s. nouveaux)
  • Code de la sécurité sociale
  • Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027