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Le calcul des congés payés dans le secteur du transport obéit à des règles complexes, qui superposent au droit commun des dispositions spécifiques. Pour un employeur du secteur, maîtriser ces subtilités est une nécessité pour sécuriser la gestion sociale de son personnel et anticiper les risques de litiges. La vigilance est d’autant plus requise que les évolutions législatives de 2024 concernant l’acquisition de congés durant les arrêts maladie ont redéfini une partie du cadre applicable, en conformité avec la législation en vigueur.

Comprendre les bases du calcul des congés payés dans le secteur du transport

Le paiement des congés payés a pour finalité de garantir au salarié une rémunération équivalente au salaire de référence qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler. Pour y parvenir, le Code du travail impose de comparer deux méthodes de calcul et d’appliquer systématiquement la plus favorable au salarié. Cette règle fondamentale s’applique au secteur du transport, mais ses modalités pratiques sont souvent aménagées par des dispositions réglementaires ou conventionnelles.

Les deux méthodes de calcul : dixième et maintien de salaire

La première méthode, dite du « dixième », prévoit le versement d’une indemnité correspondant à 10 % de la rémunération brute totale perçue par le salarié durant la période de référence, qui s’étend généralement du 1er juin au 31 mai de l’année suivante. La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 a introduit une nuance importante : pour les périodes d’absence pour maladie non professionnelle, la rémunération prise en compte pour ce calcul est limitée à 80 %.

La seconde méthode est celle du « maintien de salaire », parfois appelée règle du maintien. L’indemnité de congé est alors égale à la rémunération que le salarié aurait touchée s’il avait effectivement travaillé. Ce calcul se fonde sur le salaire perçu juste avant le départ en congé et sur la durée du travail en vigueur dans l’établissement. Pour chaque prise de congé, l’employeur est tenu d’effectuer cette comparaison afin de verser au salarié le montant le plus avantageux.

Quels éléments de la rémunération brute sont pris en compte ou exclus ?

La détermination de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés repose sur une définition claire des composantes du salaire. Doivent être incluses toutes les sommes qui sont la contrepartie directe du travail : le salaire de base, les majorations pour heures supplémentaires, les primes de rendement ou d’objectifs si elles sont liées à la performance individuelle, et certaines indemnités de sujétion comme celles pour le travail de nuit ou l’astreinte. L’indemnité de congés payés versée l’année précédente est également intégrée à cette base.

À l’inverse, plusieurs éléments sont exclus car ils ne rémunèrent pas directement le travail. C’est le cas des remboursements de frais professionnels (indemnités de grand déplacement, primes de panier), des primes à caractère exceptionnel et bénévole, ou encore des sommes issues de l’intéressement et de la participation, qui obéissent à un régime distinct.

L’impact crucial des absences maladie sur l’acquisition et le report des congés

La gestion des arrêts maladie a toujours été un point délicat dans le calcul des droits à congé. Les nouvelles règles sur l’acquisition de jours de congé pendant un arrêt maladie modifient directement les droits du salarié, en complément des mécanismes régissant l’impact d’une absence pour maladie sur la rémunération. En alignant le droit français sur les exigences européennes, la législation de 2024 a profondément changé la donne, avec des conséquences directes pour les employeurs du transport qui doivent s’assurer que chaque salarié puisse bénéficier de ses droits.

Nouvelles règles d’acquisition des congés pendant les arrêts maladie (Loi 2024)

La loi du 22 avril 2024 a mis un terme à la distinction entre maladie d’origine professionnelle et non professionnelle pour l’ouverture du droit à congés. Désormais, toute période de suspension du contrat de travail pour maladie ou accident est assimilée à du temps de travail effectif et génère des droits à congés.

Une différence de traitement subsiste toutefois dans le calcul :
Pour un arrêt lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié acquiert 2,5 jours ouvrables de congé par mois d’absence (soit deux jours et demi ouvrables par mois).
Pour un arrêt d’origine non professionnelle, l’acquisition est plafonnée à 2 jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours par période de référence (soit 4 semaines), ce qui impacte la durée totale du congé annuel payé.
Cette réforme impose aux entreprises une mise à jour de leurs processus de paie et une communication transparente envers les salariés.

Les conditions et limites du report des congés non pris suite à une maladie

Lorsqu’un salarié se trouve dans l’impossibilité de prendre ses congés en raison d’un arrêt de travail, le droit au congé n’est pas perdu ; les jours acquis doivent être reportés. La loi de 2024 vient encadrer ce droit au report en instaurant une période de 15 mois. Le point de départ de ce délai est fixé à la date à laquelle l’employeur informe le salarié, après son retour, du solde de jours de congé dont il dispose et des modalités de leur demande.

Pour les absences très longues qui s’étendent sur plusieurs périodes d’acquisition, le délai de report de 15 mois commence à courir à la fin de la période de référence au titre de laquelle les congés ont été acquis. Cette mesure vise à sécuriser la situation en évitant un cumul illimité des droits, tout en garantissant au salarié le bénéfice de son repos.

Régimes particuliers et spécificités de calcul pour les travailleurs du transport

Le secteur du transport est l’un des domaines où des règles spécifiques s’appliquent, s’inscrivant dans le cadre plus large des régimes particuliers de congés payés qui dérogent au droit commun. En raison du caractère souvent intermittent de l’activité du personnel roulant, le législateur a organisé l’intervention de caisses de compensation pour garantir le versement des indemnités.

Rôle des caisses de compensation dans le service des congés payés

Pour les travailleurs intermittents des entreprises de transport, le paiement des congés est assuré par une caisse de congés payés dédiée. Les employeurs dont l’activité relève de certains codes NAF (transport routier de fret, déménagement, messagerie, etc., listés à l’article D. 1325-1 du Code des transports) ont l’obligation de s’affilier à une caisse de ce type. Ces organismes mutualisent les droits des salariés qui, par la nature de leur activité, peuvent être employés par différentes entreprises au cours d’une même période. Concrètement, l’employeur verse ses cotisations à la caisse, laquelle se charge ensuite du versement direct des indemnités aux salariés. Si ce système simplifie le paiement final pour l’entreprise adhérente, il lui impose en contrepartie des obligations déclaratives strictes, définies dans le règlement de la caisse.

La règle des 17 jours : particularité du calcul pour certains travailleurs intermittents

Le Code des transports instaure une règle de calcul dérogatoire pour déterminer la durée du congé des travailleurs intermittents affiliés à une caisse. L’article D. 1325-6 énonce que « 17 journées de travail effectif sont considérées comme équivalentes à un mois pour la détermination de la durée du congé ». Cette disposition adapte l’appréciation du droit au congé à une activité par nature discontinue. Par exemple, un conducteur ayant cumulé 170 jours de travail sur la période de référence est réputé avoir accompli 10 mois de travail effectif, ce qui lui ouvre droit à 25 jours ouvrables de congés (10 x 2,5 jours).

Articulation des règles de durée du travail et des droits aux congés pour le personnel roulant

La notion de temps de travail effectif pour le personnel roulant – qu’il s’agisse d’un conducteur de véhicule poids lourd sur longue distance ou d’un autre personnel ouvrier – est l’une des plus complexes à manier. Elle ne se limite pas au seul temps de conduite mais intègre également ce qu’on appelle le « temps de service », une notion clé qui s’articule avec les débats sur la réduction du temps de travail. Ce temps de service inclut des périodes d’inaction où le salarié n’est pas au volant mais reste à la disposition de l’employeur, comme les temps d’attente pour le chargement ou le déchargement. Ces périodes sont qualifiées d’heures d’équivalence : elles sont considérées comme du temps de travail et doivent être rémunérées selon les modalités (notamment le taux horaire) fixées par les conventions collectives, conformément à l’article D. 3312-46 du Code des transports. La qualification et le décompte précis de ces temps sont fondamentaux, car ils constituent l’assiette sur laquelle sont calculées les cotisations et, par conséquent, l’indemnité de congés payés. Une mauvaise interprétation de ces règles expose l’entreprise à un risque élevé de contentieux.

Obligations de l’employeur et droits des salariés : garantir un calcul juste des congés

Au-delà de la stricte application des formules de calcul, l’employeur doit respecter des obligations d’information et de preuve. Ces formalités sont la clé d’une gestion transparente et conforme, limitant les risques de contestation de la part des salariés.

Information des salariés et preuve du paiement de l’indemnité

La loi de 2024 a instauré une obligation d’information renforcée. Après un arrêt maladie, l’employeur est tenu de notifier au salarié, dans le mois suivant sa reprise, le nombre de jours de congés qu’il a acquis et la période de report de 15 mois dont il dispose pour les prendre, en une ou plusieurs fois (fractionnement), avant l’expiration de la période de vacance. De façon plus générale, le bulletin de paie reste le document de référence. Il doit mentionner les dates des congés et le montant de l’indemnité correspondante. En cas de litige, la charge de la preuve du paiement effectif des sommes dues pèse sur l’employeur.

La prescription des actions en paiement des indemnités de congés payés

Tant pour l’employeur que pour le salarié, la connaissance des délais de prescription est essentielle. La prescription des actions en paiement des indemnités de congés payés (y compris l’indemnité compensatrice due suite à la rupture du contrat) est de trois ans. Ce délai commence à courir non pas à la date de la prise du congé, mais à l’expiration de la période légale ou conventionnelle durant laquelle les congés auraient dû être pris. À noter, la loi du 22 avril 2024 a introduit un délai de forclusion spécifique de deux ans, à compter de sa publication, pour toute action visant à réclamer des droits à congés acquis durant des arrêts maladie antérieurs à son entrée en vigueur (voir Conseil d’État, 15 décembre 2023, pour le contexte jurisprudentiel ayant précédé la loi).

Le calcul des indemnités de congés payés dans le secteur des transports est une matière technique et évolutive, source fréquente de litiges. Pour sécuriser vos obligations en tant qu’employeur ou garantir vos droits en tant que salarié, l’assistance d’un avocat expert en droit du travail est souvent indispensable. Notre cabinet vous propose une offre de services complète et avancée pour vous accompagner pour auditer vos pratiques, mettre en conformité vos procédures et défendre vos intérêts.

Sources

  • Code du travail (notamment articles L. 3141-1 et suivants, L. 1226-7)
  • Code des transports (notamment articles D. 1325-1 et suivants, D. 3312-46)
  • Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
  • Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 (IDCC 16)