La gestion des congés payés des concierges, gardiens et employés d’immeubles représente un enjeu de taille pour les syndics de copropriété et les administrateurs de biens. Loin de se limiter au droit commun, cette matière est encadrée par des dispositions spécifiques, souvent précisées par une convention collective nationale, qui tiennent compte des particularités du poste, notamment la présence quasi-permanente, l’entretien des parties communes et l’occupation d’un logement de fonction. La complexité de ces règles, récemment enrichies par la loi du 22 avril 2024 sur les arrêts maladie, rend l’assistance d’un avocat en droit du travail souvent indispensable pour sécuriser les procédures en vigueur. Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre plus large des régimes particuliers et dérogatoires en matière de congés payés, qui adaptent les principes généraux à certaines professions.
Droit et durée des congés payés pour les concierges d’immeuble
Le statut des concierges et employés d’immeuble obéit à des règles adaptées en matière de congés payés, définies par le Code du travail et la convention collective de branche. Comprendre ces spécificités est la première étape pour une gestion sereine et conforme à la loi, permettant à l’employeur de planifier les absences tout en respectant ses obligations et de garantir les droits du salarié.
Acquisition des droits et spécificités de la durée légale
Comme tout salarié, le concierge gardien acquiert un droit à congé payé à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif, soit 30 jours ouvrables pour une année complète, conformément à l’article L. 7213-1 du Code du travail. Une subtilité importante concerne les couples de concierges, partenaires de PACS ou concubins assurant ensemble le service. Leurs droits à congé, qui s’acquièrent distinctement pour chacun, sont déterminés en fonction de leur ancienneté personnelle, même si la prise de ces congés répond à une logique commune. L’employeur doit donc veiller à suivre les droits de chaque salarié individuellement, même si la gestion de leur absence est mutualisée.
Jours ouvrables : définition et impact sur le décompte des congés
La notion de « jour ouvrable » est fondamentale pour le décompte précis des jours de congé. Pour un gardien d’immeuble, sont réputés jours ouvrables tous les jours de la semaine où des tâches d’entretien sont prévues, à l’exception du dimanche et des jours qui, en vertu de la loi, d’un usage local ou d’une convention, sont fériés et obligatoirement chômés (C. trav., art. R. 7213-2). Une erreur de décompte peut entraîner un litige sur le solde de congés restant. Il est aussi essentiel de ne pas imputer sur le congé annuel des absences qui ont une autre nature juridique : un arrêt maladie, une cure indemnisée par la sécurité sociale, un congé de maternité ou un repos exceptionnel accordé bénévolement par l’employeur ne peuvent réduire le nombre de jours de congé payé acquis.
Possibilité d’imposer des congés supplémentaires : conditions et compensations
Une prérogative notable, prévue à l’article R. 7213-6 du Code du travail, est la faculté pour l’employeur d’imposer au salarié un congé supplémentaire d’une durée supérieure à celle de ses droits acquis. Cette décision, qui peut répondre à des impératifs organisationnels de la copropriété, n’est pas sans contrepartie financière. L’employeur doit alors verser au concierge, pour toute la durée de ce repos supplémentaire, une indemnité qui ne peut être inférieure à celle due pour un congé légal de même durée. Ce temps de repos supplémentaire et l’indemnité qui l’accompagne ne peuvent en aucun cas être imputés sur les futurs droits à congés du salarié. Il s’agit d’une compensation immédiate pour une contrainte imposée.
Prise et fractionnement des congés : règles spécifiques aux concierges
L’organisation de la prise des congés est tout aussi encadrée, avec des règles visant à concilier les besoins de l’entreprise et les droits du salarié, notamment en matière de vie familiale. Une bonne planification est la clé pour éviter les conflits et garantir la continuité du service d’entretien.
Périodes de prise des congés et conditions de fractionnement
Sauf si le salarié donne son accord pour une autre période, le congé principal doit être pris durant la période de prise légale allant du 1er mai au 31 octobre inclus. La loi prévoit des modalités de fractionnement précises pour garantir un repos effectif. Un congé d’une durée de 12 jours ouvrables ou moins doit être pris en continu. Si sa durée est supérieure, l’employeur peut le fractionner, mais uniquement avec l’accord de l’employé. Dans cette situation, une des fractions du congé doit obligatoirement être d’au moins deux semaines civiles continues (C. trav., art. R. 7213-5), afin d’assurer une véritable coupure.
Congés simultanés pour les couples de concierges : droits et modalités
Lorsque le service de conciergerie est assuré par un couple (mariage, pacsé ou en concubinage), la loi impose que leur congé annuel payé soit pris simultanément (C. trav., art. L. 7213-3). Cette disposition d’ordre public vise à garantir le droit à une vie familiale normale, notamment pour s’occuper d’un enfant. Pour l’employeur, cela signifie qu’il ne peut pas déroger à cette règle, même pour des raisons de service. Il doit anticiper cette absence conjointe et organiser le remplacement en conséquence, ce qui peut représenter un défi logistique et financier plus important, surtout s’il doit faire appel à un prestataire externe.
Remplacement du concierge pendant les congés : procédures et responsabilités
Le remplacement du salarié pendant ses vacances est un point névralgique qui engage directement la responsabilité de l’employeur, qu’il s’agisse du choix du remplaçant ou de la gestion du logement de fonction. La procédure est clairement définie pour protéger toutes les parties et doit être suivie avec une grande attention pour garantir la continuité de l’entretien et du nettoyage.
Rôle du salarié dans la proposition de remplacement et accord de l’employeur
La loi confère un rôle actif au salarié gardien : il lui appartient de proposer un remplaçant à son employeur. Cette proposition formalise le début de la procédure. Une fois la proposition faite, l’employeur dispose d’un délai strict de huit jours à compter de cette date pour notifier par écrit son acceptation ou son refus (C. trav., art. L. 7213-6 et R. 7213-8). L’accord de l’employeur est indispensable. Si le remplaçant est agréé, le salarié assume lui-même son remplacement sous la responsabilité de l’employeur, qui doit prendre en charge la rémunération du remplaçant (C. trav., art. L. 7213-2).
Refus du remplaçant par l’employeur et ses conséquences
Si l’employeur refuse le candidat proposé par le salarié dans le délai de huit jours, la responsabilité du remplacement lui incombe entièrement. C’est alors à lui, et à lui seul, de trouver et d’employer une personne pour assurer le service, qui inclut des tâches variées comme l’entretien des halls, le nettoyage des escaliers, la gestion des poubelles et le petit entretien technique. Dans cette hypothèse, le salarié en congé a l’obligation de procéder à la mise à disposition de son logement de fonction et du mobilier nécessaire au remplaçant désigné. L’article L. 7213-7 du Code du travail est très clair sur les conséquences : l’employeur devient seul responsable « des abus et dommages qui pourraient être commis par le remplaçant ». Cette responsabilité étendue couvre tant les dégradations dans le logement que d’éventuels manquements dans la qualité du service d’entretien.
Logement de fonction et gestion du remplacement : impact sur le droit au congé
La question du logement de fonction est centrale. Lorsque le remplacement implique nécessairement l’occupation, même partielle, du logement du salarié, ce dernier dispose d’un droit de retrait. Il peut légitimement choisir de ne pas prendre son congé. Dans ce cas, il doit percevoir une indemnité spécifique, dont le montant est égal au salaire qu’aurait perçu son remplaçant (C. trav., art. L. 7213-5). Cette disposition offre une solution lorsque l’occupation du logement par un tiers est un obstacle à la prise effective du repos, mais elle représente un coût pour l’employeur qui doit indemniser son salarié resté en poste pour l’entretien de l’immeuble.
Indemnité de congés payés et valorisation des avantages en nature
Le calcul de l’indemnité de congés payés pour un gardien d’immeuble est plus complexe que pour un salarié classique en raison de la part significative des avantages en nature dans sa rémunération. La valorisation du logement de fonction, élément central de l’indemnité, obéit à des règles précises qui s’articulent avec le régime général des avantages en nature, notamment pour leur évaluation.
Méthodes de calcul : règle du dixième et maintien de salaire (comparaison)
Deux méthodes de calcul s’appliquent, et la plus favorable au salarié doit être retenue. La première est la règle du « dixième » : l’indemnité est égale à 1/10e de la rémunération globale brute mensuelle perçue au cours de la période de référence. La seconde est la règle du « maintien de salaire » : l’indemnité est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler. Le choix entre ces deux méthodes nécessite une compréhension claire de toutes les composantes du salaire qui doivent être incluses dans l’assiette de calcul, y compris la valorisation des avantages en nature après déduction des charges récupérables.
Prise en compte des avantages en nature (logement, etc.) dans l’indemnité
L’article L. 7213-4 du Code du travail est explicite : le salaire de la période de congé est majoré d’une indemnité représentative du logement (un salaire en nature) et de tous les autres avantages en nature (chauffage, électricité, etc.) dont le salarié cesse de bénéficier pendant son absence. La valorisation de ces avantages est un point technique. L’évaluation de l’avantage logement peut se faire sur une base forfaitaire (selon les barèmes annuels de l’URSSAF) ou sur la base de la valeur locative réelle servant à l’établissement de la taxe d’habitation. Pour le salarié logé par nécessité absolue de service, un abattement de 30 % peut être appliqué sur cette valeur. De plus, le montant de l’indemnité globale ne peut être inférieur à un barème fixé annuellement par arrêté préfectoral pour chaque département, ce qui impose à l’employeur une vigilance sur les évaluations locales applicables.
Cas des couples de concierges : calcul de l’indemnité et répartition
Pour les couples assurant conjointement le service, l’article R. 7213-10 du Code du travail pose une présomption simple : sauf accord contraire ou avenant au contrat, la rémunération totale, en espèces comme en nature, est considérée comme étant due pour moitié à chacun. Cette répartition 50/50 est la base sur laquelle l’indemnité de congé payé individuelle est calculée pour chaque membre du couple. L’employeur doit donc établir deux calculs distincts pour le gardien et sa conjointe.
Impact des arrêts maladie et accidents sur les congés payés (loi du 22 avril 2024)
La loi du 22 avril 2024, transposant une jurisprudence européenne attendue, a profondément modifié les règles d’acquisition des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail. Cette réforme, qui s’articule avec les règles générales sur l’impact des absences pour maladie sur la rémunération, revêt une importance particulière pour les employeurs de concierges et impose une vigilance accrue.
Acquisition et report des congés en cas d’arrêt maladie ou accident
La nouveauté majeure est que les périodes d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle sont désormais assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des droits à congé. Le salarié malade acquiert 2 jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours par année. Pour les arrêts consécutifs à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié continue d’acquérir 2,5 jours ouvrables par mois, mais la limite d’un an d’indemnisation pour l’acquisition de ces droits a été supprimée. Les jours de congé ainsi acquis au titre de cette période mais non pris du fait de l’absence peuvent être reportés sur une période de report de 15 mois après la fin de la période d’acquisition.
Obligations d’information de l’employeur et délais de report
La loi instaure une nouvelle obligation d’information à la charge de l’employeur, lourde de conséquences en cas de manquement. Dans le mois qui suit la reprise du travail après un arrêt pour maladie ou accident, l’employeur doit informer le salarié, par tout moyen conférant date certaine (comme une mention sur le bulletin de paie), du nombre de jours de congé dont il dispose et de la date limite à laquelle il peut les poser (C. trav., art. L. 3141-19-3). Le non-respect de cette obligation peut engager la responsabilité de l’employeur et l’exposer à des demandes de dommages-intérêts pour perte de droit à repos.
Rupture du contrat de travail et interdictions (démission, licenciement, décès)
La fin du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, entraîne la régularisation des droits à congés payés non soldés, une étape administrative qui doit être gérée avec précision pour éviter tout litige post-rupture, notamment sur la date de départ effective.
Paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés
En cas de rupture du contrat avant que le salarié ait pu prendre la totalité de ses congés, une indemnité compensatrice lui est due. Elle correspond à la rémunération des droits acquis et non pris à la date de la rupture. Cette indemnité, calculée selon la méthode la plus favorable (dixième ou maintien de salaire) sur la base de la rémunération de l’année en cours ou de l’année précédente, est due en cas de démission, de licenciement (y compris pour faute grave ou lourde, selon une décision de la Cour de cassation de 2016), de fin de contrat ou de décès, auquel cas elle est versée aux ayants droit du salarié (C. trav., art. R. 7213-12).
Interdiction d’activité rémunérée pendant les congés
Il est formellement interdit à un salarié, y compris un concierge gardien, d’exercer une autre activité rémunérée pendant sa période de congé annuel légal. L’article R. 7213-14 du Code du travail interdit également à toute personne de proposer un emploi à un salarié qu’elle sait être en congé. Le non-respect de cette règle expose le salarié à une action en dommages-intérêts au profit du régime d’assurance chômage et le second employeur à des sanctions similaires.
La gestion des congés et des remplacements des employés d’immeuble et gardiens est un processus complexe, jalonné de règles dérogatoires et d’obligations précises pour l’employeur. À l’instar des concierges, d’autres professions à domicile bénéficient de dispositions spécifiques, comme c’est le cas pour les congés des employés de maison. Pour sécuriser vos procédures et vous assurer de leur conformité avec les dernières évolutions, notamment la loi du 22 avril 2024, l’accompagnement par notre cabinet est une garantie de tranquillité et de sécurité juridique.
Sources
- Code du travail, articles L. 7213-1 à L. 7213-7 (Dispositions particulières aux concierges et employés d’immeubles à usage d’habitation)
- Code du travail, articles R. 7213-1 à R. 7213-14 (Partie réglementaire sur les congés et remplacements)
- Code du travail, articles L. 3141-1 et suivants (Règles générales sur les congés payés)
- Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne