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La loi PACTE a profondément remodelé le paysage de l’épargne retraite collective, initiant un basculement majeur du Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif (PERCO) vers son successeur, le Plan d’Épargne Retraite d’Entreprise Collectif (PERECO). Pour les entreprises, cette transition représente à la fois une opportunité d’harmonisation et un défi juridique. Comprendre les subtilités de ces dispositifs d’épargne salariale est essentiel pour sécuriser les procédures et optimiser les avantages sociaux et fiscaux qui y sont attachés. La complexité de cette réforme et de sa mise en œuvre rend souvent l’assistance d’un avocat spécialisé en épargne salariale indispensable pour garantir la conformité des opérations.

Introduction : comprendre la transition du PERCO vers le PERECO

L’évolution législative a mis fin à la commercialisation du PERCO depuis le 1er octobre 2020, sans pour autant le supprimer. Les plans existants, y compris l’ancien PERCO, peuvent continuer à fonctionner, mais les nouvelles mises en place doivent obligatoirement prendre la forme d’un PERECO. Cette réforme, portée par une volonté de simplification et d’attractivité, invite les entreprises à repenser leur stratégie d’épargne retraite pour leurs salariés.

Définition et distinction entre PERCO et PERECO

Le PERCO était un dispositif d’épargne salariale permettant aux salariés de se constituer, avec l’aide de leur entreprise, une épargne en vue de la retraite. Les sommes versées étaient en principe indisponibles jusqu’au départ à la retraite, hormis des cas de déblocage anticipé strictement encadrés. Contrairement au Plan d’Épargne d’Entreprise (PEE) qui vise une épargne à moyen terme, le PERCO était spécifiquement dédié à cet objectif lointain. Le PERECO, son successeur, s’inscrit dans le cadre plus large du Plan d’Épargne Retraite (PER), un nouveau PER qui unifie les solutions. Il en conserve la nature collective, mais introduit une flexibilité accrue, notamment en matière d’options de sortie (en capital, en rente ou une combinaison des deux) et de portabilité des droits.

Contexte légal : la loi PACTE et l’évolution de l’épargne retraite collective

La loi PACTE du 22 mai 2019 a pour ambition de réorienter l’épargne des Français vers le financement des entreprises et d’unifier les produits d’épargne retraite. En créant le PER, décliné en versions individuelle et d’entreprise, le législateur a cherché à harmoniser des dispositifs jusqu’alors fragmentés (PERP, Madelin, l’ancien PERCO, Article 83). L’objectif est de permettre une meilleure portabilité des droits entre les différents produits et de proposer des options de sortie plus souples pour les épargnants, répondant mieux aux parcours professionnels modernes.

Les enjeux de la transition pour les entreprises et les salariés

Pour l’employeur, la transition vers le PERECO est l’occasion de moderniser sa politique de rémunération différée et de renforcer son attractivité en tant que marque employeur. Transformer un PERCO existant en PERECO permet de bénéficier des nouvelles règles, ce qui peut accroître l’adhésion des collaborateurs. Pour l’épargnant, cela permet de se constituer une épargne pour la retraite plus souple. C’est aussi un moment clé pour revoir la stratégie d’abondement de l’entreprise et s’assurer de l’optimisation des avantages fiscaux et sociaux. Pour les salariés, le PERECO offre une plus grande liberté de choix à la retraite et une meilleure visibilité sur leur épargne grâce à une structure à trois compartiments, plus lisible.

Modalités de mise en place et rôle des Instances Représentatives du Personnel (IRP)

La mise en place d’un PERECO, ou la transformation d’un ancien PERCO, est une démarche encadrée qui requiert un dialogue social de qualité. L’implication des Instances Représentatives du Personnel (IRP) est un facteur déterminant pour la validité et la réussite du projet. La procédure de mise en place peut varier, notamment pour les PME qui peuvent opter pour un plan d’épargne interentreprises (PEI) mutualisant les coûts et la gestion.

Processus de mise en place des plans (accord collectif ou décision unilatérale)

La voie privilégiée pour l’instauration d’un plan d’épargne retraite collectif est l’accord collectif. Celui-ci peut être conclu selon les modalités prévues pour les accords de participation : accord avec les délégués syndicaux, accord conclu au sein du Comité Social et Économique (CSE), ou ratification à la majorité des deux tiers des effectifs. La mise en place par décision unilatérale de l’employeur (DUE) reste une exception. Elle n’est possible qu’en l’absence de délégué syndical et de CSE dans l’entreprise, ou en cas d’échec des négociations, qui doit être formalisé par un procès-verbal de désaccord. Dans ce dernier cas, une consultation préalable du CSE, s’il existe, est requise sur le projet de règlement.

Le rôle crucial des Instances Représentatives du Personnel (CSE, délégués syndicaux)

Le CSE et les délégués syndicaux (DS) sont les interlocuteurs principaux de l’employeur. Leur intervention est centrale, que ce soit pour négocier le contenu de l’accord (rôle du DS et du CSE) ou pour être consultés sur le projet (rôle du CSE en cas de DUE). En tant que négociateurs, ils veillent à l’équilibre du dispositif convenu, notamment sur les conditions d’abondement, la sélection des supports de placement ou encore les frais de gestion. Le respect de ces prérogatives est fondamental : une procédure de consultation ou de négociation mal menée peut non seulement fragiliser la convention, mais aussi exposer l’entreprise au risque de délit d’entrave, une infraction pénale sanctionnant l’atteinte au fonctionnement régulier des IRP. Il convient de porter une attention particulière à la formalisation du dialogue social.

Formalités de dépôt et contrôle administratif (Urssaf, DREETS)

Une fois l’accord ou la décision unilatérale finalisé, le règlement du plan doit être déposé sur la plateforme de téléprocédure du ministère du Travail (« TéléAccords »). Cette formalité, prévue par l’article L. 3332-9 du Code du travail, est impérative pour bénéficier des exonérations sociales et fiscales. Depuis le 1er janvier 2023, la DREETS transmet le dossier sans délai à l’Urssaf, qui dispose d’un délai de trois mois pour effectuer un contrôle de fond. L’absence d’observations dans ce délai vaut validation implicite des clauses de l’accord pour les exercices en cours et antérieurs, ce qui sécurise le dispositif. Cette solution administrative est cruciale. Tout versement effectué par l’entreprise avant l’accomplissement de cette formalité ne bénéficiera pas du régime de faveur.

Bénéficiaires et conditions d’éligibilité aux PERCO/PERECO

Le caractère collectif est un principe fondamental de l’épargne salariale. Le PERECO, comme l’ancien PERCO, doit être accessible à l’ensemble du personnel de l’entreprise, bien que des conditions minimales puissent être prévues par l’accord.

Salariés, anciens salariés et dirigeants : qui peut en bénéficier ?

Tous les salariés liés par un contrat de travail à l’entreprise, quelle que soit sa nature (CDI, CDD, contrat d’apprentissage…), doivent pouvoir adhérer au plan. Les anciens salariés, notamment les retraités et préretraités, ont la possibilité de conserver leur plan et de continuer à y effectuer des versements volontaires, mais ne bénéficient plus de l’abondement de l’entreprise. Dans les entreprises de moins de 250 salariés, les chefs d’entreprise et mandataires sociaux (présidents, directeurs généraux, gérants) ainsi que leur conjoint ou partenaire de PACS (liés par un Pacs) peuvent également adhérer au plan dans les mêmes conditions que les salariés, à condition que le règlement le prévoie expressément.

Conditions d’ancienneté et exceptions

L’accès au plan peut être soumis à une condition d’ancienneté. Conformément à l’article L. 3342-1 du Code du travail, cette durée ne peut excéder trois mois. L’ancienneté s’apprécie en tenant compte de la totalité des contrats de travail exécutés au cours de la période de calcul et des douze mois qui la précèdent. Imposer une autre condition, comme une présence obligatoire à une date donnée pour bénéficier du plan, serait illicite et susceptible de remettre en cause les exonérations sociales pour l’ensemble du dispositif.

Alimentation et versements sur les PERCO/PERECO

La performance d’un plan d’épargne retraite dépend de la diversité et de la régularité de ses sources d’alimentation. Celles-ci proviennent à la fois de l’épargne des salariés et de l’engagement de l’entreprise, qui dispose de plusieurs leviers pour encourager la constitution d’un capital pour la retraite.

Versements volontaires des salariés : règles et plafonds

Les salariés peuvent choisir de verser volontairement de l’argent sur leur plan. Le montant total de ces versements, tous plans d’épargne salariale confondus (PEE, PERECO), est plafonné à 25 % de leur rémunération annuelle brute. Il appartient au salarié de veiller au respect de ce plafond. Le règlement du plan a la faculté de fixer un montant minimum de versement, qui ne peut être supérieur à 160 euros par an.

Abondement de l’employeur : mécanismes et limites spécifiques au PERCO/PERECO

L’abondement est la contribution financière que l’entreprise verse en complément des versements du salarié, un puissant outil d’incitation. Pour le PERCO et le PERECO, cet abondement ne peut excéder le triple du versement du bénéficiaire, ni dépasser un plafond annuel spécifique fixé à 16 % du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS), soit 7 418,88 € pour l’année 2024. Ce plafond est plus élevé que celui du PEE, marquant la volonté du législateur d’encourager l’épargne longue. Les mécanismes d’abondement de l’employeur sont un levier puissant d’incitation, similaires dans leur esprit à ceux que l’on retrouve dans le cadre d’une augmentation de capital réservée aux salariés via un PEE.

Affectation de la participation, de l’intéressement et du Compte Épargne-Temps (CET)

Les primes issues de la participation et de l’intéressement sont des sources d’alimentation privilégiées. Lorsqu’un salarié choisit de les verser sur son PERECO, ces montants peuvent également déclencher un abondement de l’employeur si le dispositif le prévoit. De plus, les droits inscrits sur un Compte Épargne-Temps (CET) ou des jours de repos non pris peuvent être transférés vers le PERECO. Ce transfert bénéficie d’un régime fiscal et social attractif, avec notamment une exonération d’impôt sur le revenu pour les sommes correspondant à un maximum de 10 jours de repos non pris par an.

Autres versements de l’employeur : initial et périodique

La loi autorise l’employeur à effectuer des versements sur le plan même en l’absence de contribution du salarié. Il peut s’agir d’un versement initial, dit « d’amorçage », ou de versements périodiques. La seule condition est que ces versements soient uniformes pour l’ensemble des salariés. L’employeur peut ainsi décider de verser un complément uniforme sur le plan de chaque salarié. Le montant total de ces versements unilatéraux est plafonné à 2% du PASS et est inclus dans le calcul du plafond global d’abondement de 16%.

Options d’investissement et gestion financière sécurisée

La vocation d’un plan d’épargne retraite est de faire fructifier les sommes sur le long terme. Le législateur a donc prévu des mécanismes d’investissement qui visent à la fois la performance et la sécurisation du capital à l’approche de la retraite. Bien que l’épargne retraite soit son objectif premier, le PERECO peut s’articuler avec d’autres dispositifs d’actionnariat salarié pour construire une politique de partage de la valeur globale.

Diversité des placements et obligation d’offrir un placement diversifié et liquide

Le règlement du plan doit obligatoirement proposer au moins trois Fonds Communs de Placement d’Entreprise (FCPE) présentant des profils de risque différents (par exemple, prudent, équilibré, dynamique). L’un d’eux doit être un fonds solidaire, dont 5 à 10 % de l’actif sont investis dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Cette offre diversifiée permet à chaque salarié d’adapter sa stratégie d’investissement à son horizon de placement et à son appétence au risque.

La gestion pilotée par défaut et la réduction progressive des risques financiers

Afin de protéger l’épargne des salariés, la « gestion pilotée » est le mode de gestion par défaut. Si le salarié n’exprime pas d’autre choix, par exemple en optant pour une gestion libre, ses avoirs sont investis de manière à réduire progressivement l’exposition aux risques financiers à mesure que son départ à la retraite approche. Concrètement, l’épargne est d’abord placée sur des supports dynamiques puis réorientée automatiquement vers des placements plus sécurisés. Cette désensibilisation du portefeuille est une garantie essentielle pour préserver la valeur du capital accumulé.

Régime fiscal et social détaillé : optimiser les avantages

L’attrait principal des PERCO et PERECO réside dans leur régime fiscal et social avantageux, tant pour l’entreprise que pour les salariés. La maîtrise de ses subtilités est la clé d’une politique de rémunération et de fidélisation efficace.

Cotisations sociales, CSG/CRDS et Forfait Social : subtilités et exonérations

Pour l’entreprise, les sommes versées au titre de l’abondement, de la participation, de l’intéressement et des versements unilatéraux sont exonérées de cotisations sociales patronales. Elles restent soumises à la CSG et à la CRDS. La CSG sur l’abondement n’est pas déductible du revenu imposable. Le forfait social, une contribution à la charge de l’employeur, est également applicable au taux de 20 %. Cependant, des taux réduits existent. Notamment, le taux est abaissé à 16 % pour les PERECO dont la gestion pilotée par défaut prévoit un investissement d’au moins 10 % en titres de PME et ETI, ce qui représente une différence notable. Pour les salariés, l’abondement est exonéré de cotisations mais soumis à la CSG/CRDS, ce qui doit être pris en compte dans le calcul du net perçu.

Impôt sur le revenu des bénéficiaires et déductibilité pour l’entreprise

Pour l’entreprise, l’ensemble des sommes versées sur le PERECO (abondement, versements unilatéraux, participation, intéressement) est déductible de son bénéfice imposable. Cette déduction fiscale est un avantage majeur pour l’employeur. Côté salarié, l’abondement de l’employeur ainsi que les primes de participation et d’intéressement versées sur le plan sont exonérés d’impôt sur le revenu. Les plus-values réalisées au sein du plan sont également exonérées à la sortie, mais restent soumises aux prélèvements sociaux (17,2 %). Cette fiscalité avantageuse à la sortie est un point clé du dispositif.

Implications fiscales et sociales des transferts d’avoirs

Les transferts de jours de repos non pris ou de droits issus d’un CET vers un PERECO bénéficient d’un régime de faveur. Dans la limite de 10 jours par an, les sommes correspondantes sont exonérées d’impôt sur le revenu et des cotisations salariales et patronales de sécurité sociale. Ce mécanisme constitue une solution d’optimisation intéressante pour les salariés souhaitant transformer du temps en épargne retraite tout en allégeant leur fiscalité.

Liquidation et déblocage anticipé : anticiper les sorties

Si la vocation première du PERCO et du PERECO est le blocage de l’épargne jusqu’à la retraite, la loi a prévu des soupapes de sécurité pour faire face à certains accidents de la vie ou pour réaliser des projets personnels majeurs.

Conditions de sortie à la retraite : capital ou rente viagère

Au moment du départ à la retraite, le salarié peut liquider ses droits. Avec le PERCO, la sortie se faisait principalement sous forme de rente viagère, la sortie en forme de capital n’étant possible que si le règlement du PERCO le prévoyait. Le PERECO apporte une souplesse majeure : le bénéficiaire a désormais le choix entre une sortie en capital (en une ou plusieurs fois), une sortie en rente viagère, ou une combinaison des deux. Seuls les droits issus de versements obligatoires (compartiment 3) sont nécessairement liquidés en rente.

Les cas de déblocage anticipé spécifiques

La loi autorise un déblocage anticipé des avoirs pour faire face à des situations exceptionnelles. Les cas prévus par l’article R. 3334-4 du Code du travail sont : l’invalidité du titulaire, de ses enfants ou de son conjoint (ou époux) ; le décès du conjoint ou du partenaire de PACS (ou époux) ; l’expiration des droits à l’assurance chômage ; le surendettement ; et l’acquisition de la résidence principale. Ce dernier cas de figure est une solution très appréciée des salariés qui souhaitent épargner pour un projet immobilier à moyen terme. Cette dernière possibilité est une exception notable au principe de blocage et un argument de poids pour encourager l’adhésion au dispositif.

PERCO/PERECO en contextes complexes : fusions, cessions et groupes

Les opérations de restructuration d’entreprise ont un impact direct sur les dispositifs d’épargne salariale. L’anticipation de leur sort juridique est un enjeu important pour garantir la continuité des droits des salariés et la sécurité juridique de l’opération.

Impact des fusions, cessions et scissions sur les plans d’épargne retraite

En cas de modification juridique de l’entreprise (fusion-absorption, cession d’activité…), la question de la survie de l’accord PERCO/PERECO se pose. Si l’opération rend impossible le maintien de l’ancien plan, celui-ci peut cesser de produire ses effets. Le nouvel employeur n’est pas tenu de poursuivre l’ancien plan. Les parties peuvent convenir d’un transfert collectif des avoirs des salariés vers le plan d’épargne de la nouvelle entité. Cette opération n’est cependant qu’une faculté, comme l’a jugé la Cour de cassation, et non une obligation.

Caducité des accords et droits des salariés transférés

Si l’ancien dispositif devient caduc et qu’aucun transfert collectif n’est organisé, les salariés transférés conservent leurs avoirs sur l’ancien plan, qui est alors mis en sommeil sans pouvoir recevoir de nouveaux versements. Ils peuvent toutefois demander le transfert individuel de leurs droits vers le plan de leur nouvel employeur. Chaque état de fait est unique et une gestion proactive de ces situations lors des négociations de fusion-acquisition est essentielle pour préserver un climat social serein. Chaque cas de restructuration est unique et exige une analyse précise des dispositifs en place pour déterminer la solution la plus adaptée.

La transition du PERCO au PERECO et la gestion de ces dispositifs, en particulier dans un contexte de restructuration d’entreprise, présentent des complexités juridiques et fiscales qui ne doivent pas être sous-estimées. Pour sécuriser vos procédures, optimiser les avantages pour votre entreprise et vos salariés, et garantir la pleine conformité de vos dispositifs, y compris de l’ancien PERCO s’il est toujours en service, l’assistance d’un avocat spécialisé est souvent déterminante pour naviguer ces enjeux stratégiques.

Sources

  • Code du travail (notamment articles L. 3332-1 et suivants, R. 3332-1 et suivants)
  • Code monétaire et financier (notamment articles L. 224-1 et suivants)
  • Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE)